Laurent Houssin
Publié le 18/06/2015

Un chat dans la gorge


Laurent Houssin dessine des gros et grands dessins depuis toujours. Il a lu des tas de BD, a débuté dans le fanzine Argh!, a troqué ses crayons contre des gants de boxe puis ses gants de boxe contre des crayons, a vu le bagne, a animé ses dessins chez Œil pour Œil multimédias, a dessiné Marcel et son orchestre, l'album"Rendez-nous Miss Moule ! ", des histoires de loups pour le Psikopat...Aujourd'hui, il dessine dans Fluide Glacial. Bon, c'est clair ou vous voulez que je vous fasse un dessin ?

 

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Le 8 juillet 2011 à 08:42

Igor

Ou bien imaginer une nouvelle version de « Petit Papa Noël », dans laquelle il ne serait plus question d’une belle nuit, mais d’un crépuscule post-apocalyptique, quelque chose de très sombre, quelque chose à des années-lumière des idées dégoulinantes de bons sentiments que l’on nous impose chaque année, que nos chères têtes blondes apprennent bêtement…   C'est la belle nuit de Noël  La neige étend son manteau noir  Et les yeux levés vers le ciel  À genoux, les petits enfants  Avant de fermer les paupières  Font une dernière prière.    … et dans laquelle le vieux monsieur généreux porterait des bottes à semelles de protection, une combinaison antiradiation homologuée, des gants en kevlar, un masque à gaz, un gilet pare-balles, car dehors, il va avoir si chaud… Dans cette version, le narrateur, un enfant de dix ans, Igor, aux traits fatigués, sans innocence, Igor, flétri, sans aucun avenir ou notion d’avenir, habiterait un bunker souterrain de 9m² avec toute sa famille. Il n’y aurait aucune cheminée, mais seulement un conduit d’évacuation et de traitement de l’air conditionné.   Petit Papa Noël Quand tu descendras du ciel Avec tes jouets par milliers.    Bunker 248 de l'abri antiatomique numéro 47, sous-sol 3, ascenseur 24. Dans cette version de la chanson, le vieillard ferait sa distribution au son des compteurs Geiger des églises et des hurlements des chiens fossoyeurs des ruines.   Ta distribution de surprises.    Dans cette nouvelle chanson, Igor se languirait de revoir un jour le soleil se lever autrement qu’à la télé. Il ne dirait plus qu’il a été sage, mais qu’il n’a rien fait, lui. [Refrain]  Dans ce nouveau couplet, il serait question de nuages dépollués et même d’animaux vivants et en bonne santé, histoire d’apporter un peu de rêve, un peu de fêtes. Le sentiment de. Dans cette version moderne du Petit Papa Noël, on évoquerait des idées positives d’avenir radieux et de félicité partagée. [Refrain]  Dans cette chanson, tout serait très beau, très à sa place : rien ne dépasserait. Dans les abris antiatomiques, les jours de fête auraient un goût particulier qui, on l’espère, ne serait pas celui âcre et violet de l’iode. Dans les abris, les gens danseraient comme des damnés, loin des réalités noircies des cendres grenat.   Dans une version alternative, plus mature, il serait question de l’aversion de l’homme pour les choses visqueuses. Les crachats, les glaires, le sperme. Puis Igor ou tout du moins une version adulte d’Igor, argumenterait : « si Dieu n’avait pas voulu la semence masculine, il aurait fait du sperme en flocons de neige » et de rebondir avec le refrain, les notions d’hivers et de froid. Pour revisiter l’enfance, il faut désapprendre l’adulte.

Le 6 juillet 2015 à 08:50

La femme, ce poison !

C'est un vrai poison, ce bidule qu'on appelle la femme !  Pourquoi a t-elle un cerveau ? Une bouche, un vagin et deux bras aurait suffi au bonheur de l'homme sot. Mais le cerveau de la femme s'est mis à produire des idées de parité. Qui font mal aux testicules. Des femmes pour diriger une entreprise, une administration, présider un conseil, donner des ordres ! Est-ce qu’on leur dispute le droit à la grossesse ? Y a qu’à repromettre la parité. A 40% ! Pour éviter le quéquette blues. Oh, attention, pas pour tout suite, pour 2018 ! Au goutte à goutte ! Pour nous  mithridatiser, contre ce poison… - Heu... si je peux me permettre, dans des lois plus anciennes, on avait parlé de 50 %... - Vous en êtes sûre, madame Chaussure ? - Affirmatif, monsieur Bourpif ! - Ils ont dû faire une erreur, madame Vapeur ! - Non. Je peux vous lire la définition du terme parité, monsieur Chospié ! - On verra par la suite, madame  Tagueule ! - Ça ne rime pas du tout, monsieur Bandemou ! Et cette loi ne rime à rien non plus, monsieur Fégaf-Hatoncu ! Bref, les mamies ne lui disent pas merci, à cette loi, et les autres sont trop occupées à produire des ovocytes et du boulot pour penser à mal. Pourtant, quand ça sert leurs intérêts, les puissants n'attendent pas la fin d'un quinquennat, plus un quinquennat, plus le début d'un autre pour agir ! (et se disent que d'ici là, centrales nucléaires, révolutions, réchauffement climatiques aidant... y aura plus urgent à régler, madame Baisée).      

Le 6 juillet 2012 à 09:44

Grupetto

On m'a demandé une chronique "plus cycliste" alors je me suis mis en danseuse. Le plus dur, ça a été de trouver des ballerines en 46. Le Tour de France arrivera bientôt à la Planche-des-Belles-Filles, avant de repartir le lendemain pour Porrentruy (je suis sûr que je passe à côté d'un jeu de mots génial). Je ne vous connais pas bien, mais je suis sûr que vous êtes nombreux à rester insensibles à la froide beauté d'une attaque au pied de l'Alpe d'Huez. Mais même pour le cyclistophobe convaincu, le Tour de France a ses qualités. Quand vous trépignerez au beau milieu du peloton des départs en vacances, au cours d'une longue étape un peu insipide entre le péage de Chatuzange-le-Goubet et l'aire de la Coucourde, sans le moindre espoir d'échappée, coincés entre deux caravanes dont aucune ne vous distribuera de main géante, par exemple. Coincé là, sans porteur d'eau, avec à votre gauche un village pittoresque dont vous ignorez totalement le nom et encore plus si quelqu'un de vaguement célèbre y est jamais né, droit devant un château du 13e ou 18e siècle, dont l'histoire est probablement forte et tragique, mais comment le savoir ?, et à votre droite une centrale nucléaire sur laquelle il existe probablement mille anecdotes croustillantes. C'est vrai qu'ils sont plaisants, tous ces petits villages, tous ces bourgs, ces hameaux, ces lieux-dits, ces cités. Mais bon, si on s'arrête dans tous les bleds où il y a une église et probablement un musée pittoresque, le musée de la barbe artisanale, ou celui du chapeau melon, on n'arrivera jamais à la mer avant l'apéro, et puis la dernière fois qu'on a désobéi au GPS, ça a failli mal se terminer, alors est-ce bien la peine ? C'est dans ces moments-là que vous auriez bien besoin d'un Jean-Paul Ollivier portatif.

Le 7 octobre 2011 à 10:59

« Nicolas Sarkozy doit porter la rupture de la rupture. Il doit porter le changement »

Jean-Pierre Raffarin, le Figaro Magazine, vendredi 7 octobre 2011.

Une raffarinade c’est comme un filet d’air frais qui vous surprend agréablement dans la touffeur du débat public. Elle vous transporte dans une autre dimension de l’esprit avant de vous rendre à vous-même dans un état de complète zénitude.  Son auteur éponyme qui conçut : « notre route est droite, mais la pente est forte » ou encore : « il est curieux de constater en France que les veuves vivent plus longtemps que leurs maris » mais surtout : "The Yes needs the No to win... Against ze No !" » faisant croire sur l’instant que l’issue du référendum constitutionnel européen allait basculer, cet homme-là aurait pu se reposer, assuré d’une gloire inégalable.  Que nenni. Celui qui fut l’âme du Poitou ne débande pas.  C’est Sarkozy qu’il entend sauver contre lui-même en lui recommandant une rupture de la rupture qui, si l’on ose la glose, revient à ce qu'il fasse désormais le contraire de ce qu’il annonça lors de sa précédente campagne présidentielle. Or la rupture de 2007 valant promesse de changement, on mesure toute la force eschatologique de la raffarinade susdite où l’injonction initiale est associée à la prescription de devoir maintenant « porter le changement ». Ne rien faire et tout faire à la fois, ce n’est peut-être pas de la tarte mais c’est l’art de joindre les deux bouts. Un exemple qui viendrait d’en haut et serait bien utile aux gens d’en bas. Longue vie au résilient Raffarin !

Le 2 avril 2013 à 08:52

Léon Cladel (1835-1892)

Les cracks méconnus du rire de résistance

« - En résumé, citoyens, il n’y a pas de milieu, conclut-elle avec énergie : ou se résigner à gémir éternellement sous le joug de ceux qui nous exploitent ou s’en affranchir dès demain, une bonne fois pour toute. - Aujourd’hui, non pas demain, proteste de toutes ses forces sa camarade en train de se faufiler à travers les rangs compacts d’une foule extrêmement attentive, aujourd’hui même. - Et comment ça, questionna-t-on de toutes parts à l’envi, par quel moyen ?  - Êtes-vous, oui ou non, le peuple souverain ? - Nous le fûmes, et nous le serons encore, avant longtemps. - Soyez-le tout de suite, il y a péril en la demeure. - Mais il nous faudrait tenir le pouvoir. - Rien de plus aisé : prenez-le et gardez-le. Ne vous laissez plus duper dorénavant. - On y tâchera, mais y réussir, on n’en répond point. - Têtes légères et cœurs timides, vous êtes tout feu, tout flamme s’il s’agit de combattre l’ennemi du dehors, et lorsqu’il faut lutter contre celui du dedans, vous tremblez de froid en caquetant, ainsi que des poules mouillées. - Où et quand avons-nous reculé, nous, les coqs ? -  Un peu partout, presque toujours, ici, chez vous. Aujourd’hui même, vous hésitez à bousculer ceux qui vous abusent. »  (I.N.R.I., 1886) Ces brûlants appels à la contre-attaque immédiate et à la vraie démocratie directe lyrique, ils tisonnent tous les romans d’aventure épiques ou mélodramatiques de Léon Cladel « révolutionnaires dans le fond des idées et dans la forme des phrases, plantant un bonnet phrygien sur la syntaxe », relève le critique Jean Bernard. À l’instar de Michel Zévaco, qui a eu plus de chances que lui avec la postérité, le romancier populaire à succès Cladel ne renoncera jamais à ses « rouges lubies », il veillera toujours à ce que ses histoires rocambolesques soient ancrées dans un contexte historique précis où s’affrontent les classes et à ce qu’on y « prenne parti pour la canaille ». Le Bouscassé (1866) tire tout à coup le couteau pour couper au service militaire. Mon ami le sergent de ville (1867), réalisant la sordidité de son métier, piétine ses insignes policiers, décroche un vieux fusil à pierre et fond dans le lointain en tonnant : « Un branle-bas ! Une révolution ! » Revanche (1873) devient le nom d’un bébé pouponné par 93 des derniers « apôtres de l’absinthe » (c’est comme ça que les Versaillais appelaient les communards) qui espèrent que leur rejeton « perpétuera en lui la haine qu’ils ont pour les tyrans. » Crête Rouge (1871) exhorte à une prise d’armes risque-tout à la Blanqui. N’a-qu’un-œil (1877) suggère aux manants de s’affranchir en « branchant » les aristos. La Fête votive de Saint-Bartholomée porte-glaive (1870) n’y va pas non plus par quatre chemins : « Notaires, huissiers, avocats, juges, gendarmes, percepteurs, autrement dit brigands, assassins, filous et compagnie, sont par nous abolis, et le reste… coule tout seul. » Avec un tel programme, Cladel aura naturellement bien du fil à retordre avec la justice. À la parution de Pierre Patient (1865), qui coïncide avec l’annonce de l’assassinat d’Abraham Lincoln, on accuse l’écrivain de faire « l’apologie du meurtre politique » et on met l’embargo à la frontière franco-belge, sur le très pantouflard journal L’Europe de Francfort dans lequel le roman est débité en épisodes. Pendant la semaine sanglante, on est à deux doigts de fusiller Cladel nous apprend l’historien de la Commune, Maurice Demanget. En 1873, on interdit la réédition de son recueil de nouvelles rebelles Les Va-nu-pieds dont le premier tirage a été épuisé en quelques jours. En 1875, avec Une maudite, le littérateur connaît son premier « outrage aux mœurs » qui le claquemure un mois à Sainte-Pélagie. C’est qu’incorrigiblement, chaque fois qu’il prend la plume, il répète qu’il suffit parfois d’une petite tripotée d’illuminés pour exploser des montagnes : « - Qu’on me donne aujourd’hui carte blanche et seulement une centaine de bons bougres, et que je sois perdu si demain tout n’a pas changé de gamme. - Et que ferais-tu ? - L’impossible. » On pourrait toutefois se demander ce qu’un aussi inflammable « dilettante de l’émeute » s’exprimant aussi crânement au premier degré vient faire dans notre florilège du rire de résistance. Hé bien, qu’on sache d’abord que Léon Cladel avait quelque chose de gougnafièrement rabelaisien. Écoutons sa fille Judith qui fut aussi sa biographe. « Rubens peut-être, Rabelais sûrement. Maintes fois l’analogie m’a frappée au cours de mes lectures. La recherche du terme vivant, sa mise en valeur et en saveur, la surabondance des vocables puisés à toutes les sources, empruntés aux dialectes nationaux et aux formations locales, pris aux anciens lexiques ou agencés de toutes pièces, mais en se conformant soigneusement au génie de la langue, le goût des querelles et des batailles où triomphent la fougue et le bon sens narquois du populaire, celui des discours qui assemblent la pompe et la force, la condensation de l’action autour de ces quelques motifs éternels de l’épopée : combat, ripaille, palabre et luxure. » Qu’on sache encore que l’écrivain était bien malgré lui un grand comique. Engagé comme neuvième clerc, durant son adolescence, dans les bureaux d’un avoué parisien, il n’en rate pas une. Chargé notamment d’un recouvrement important, il oublie son portefeuille débordant de valeurs sur une table de brasserie, ce qui lui coûte sa place. Plus tard, quand il a fait « une petite pelote » grâce à ses bonnes ventes en librairie, il souffre d’une grave maladie : l’enchérite. Assidu des ventes aux enchères, il ne peut s’empêcher de faire monter inconsidérément l’encan. Tant et si bien que sa maison est toujours prête de s’effondrer sous le poids de pyramides et de pyramides d’objets invraisemblables. Et puis l’on peut évoquer la tragédie burlesque de sa vie, à la fois effrayante et à se tordre. Alors que l’écrivain vient de suer sang et eau cinq ans durant sur l’écriture de Celui de la Croix-aux-bœufs et qu’il ne retrouve plus son manuscrit là où il l’a laissé, ne voilà-t-il pas que sa femme de ménage se flatte d’avoir jeté le papier sale qui encrassait son bureau et d’avoir rangé avec soin celui sur lequel il n’y avait rien d’écrit. Au bord de la syncope, Cladel ameute tous ses amis qui galopent avec lui à la fourrière à détritus et organisent une battue à travers les immondices. En désespoir de cause, l’écrivain plonge jusqu’au menton dans la « répugnante macédoine ». Mais c’est peau de balle et balais de crin ! Qu’à cela ne tienne, moins de deux heures plus tard, Léon Cladel est déjà occupé à entièrement recommencer son roman. En guise d’apothéose, pour prouver qu’il pouvait également arriver au farouche, têtu et vindicatif tribun des lettres Léon Cladel d’être délibérément bidonnant, voici un aphorisme de lui qui aurait plu à Pierre Desproges : « L’éternuement est l’orgasme du pauvre. »

Le 28 février 2012 à 09:04
Le 9 juillet 2010 à 15:00

Voici "voilà"

Je ne sais pas si vous avez remarqué mais s’il est un mot qui envahit notre existence, un mot anodin qui, comme le sparadrap au bout du doigt, ne nous lâche plus, c’est bien lui. Alors voilà. A la terrasse d’un café, lors d’un dîner entre amis, à la télévision comme à la radio, « voilà » se mêle à nos conversations, s’incruste à notre table, se pose sur notre épaule sans qu’on ait rien demandé. Du moins en apparence. Car voilà : comme la pollution nous intoxique lentement mais sûrement, le mot « voilà » nous est devenu indispensable. « Voilà » crée du liant là où les liens se distendent («…voilà, c’est ce que veut exprimer cette question, oui voilà…») ; remplit les vides là où notre phrase impuissante méritait le plein («…là, j’ai vraiment eu l’impression que…enfin voilà… ») ; et conclut par un petit rot sans appel, en place du terme tant attendu par notre interlocuteur qui, finalement, se contentera de si peu («…ce n’est pas comme si, je…bon, voilà. »). « Voilà » est un mot-coucou, un de ces parasites qui prennent de la place et finissent par nous étouffer ; un mot creux qui remplit les grands vides et brouille l’hypothétique suspens de nos conversations paresseuses. « Voilà » est ce mot faussement dandy, répétitif jusqu’à épuisement du sens, ce mot solitaire qui ne peut se passer de nous et qui, pour finir, passe inaperçu en étant tout le temps là. Echo perpétuel à nos incertitudes, petit pet en rafale sur la toile cirée de nos conversations illusoires, bien à l’aise dans son époque, le voici, c’est « voilà ».

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