Nos disques sont rayés
Publié le 29/01/2020

Mahmoud & Nini


Un spectacle en français et arabe découvert dans le In d'Avignon

Formidable dialogue qui explose nos idées reçues sur l'autre, Mahmoud & Nini, spectacle en français et arabe découvert dans le In d'Avignon, a été écrit et mis en scène par Henri Jules Julien à partir d'improvisations de ses deux interprètes Virginie Gabriel et Mahmoud El Haddad. En scène au Rond-Point le samedi 8 février à 18h30, lors du festival "Réparer le monde - Nos disques sont rayés #4"

Virginie (Nini), une femme française dans la cinquantaine, rencontre Mahmoud, jeune égyptien à la peau cuivrée.
Pleine d’empathie, de volonté de comprendre, d’aimer, voire d’aider, Nini recycle la chape d’idées reçues et d’idéologies que tout européen supporte sur le monde arabo-islamique. Mais Mahmoud, au début très coopératif et poli, se rebiffe. Qui est elle pour poser de telles questions ? Et tout simplement : qui est-elle ? Ironiquement et symétriquement, Mahmoud pose alors sur Nini un regard tout autant nourri d’idées reçues, d’idéologies, etc qu’un homme arabe peut porter sur une femme française. Il ne suffit pas de simplement vouloir pour s’émanciper de siècles de visions biaisées. Une insolente traversée des lieux communs de la « rencontre interculturelle » par temps de crise identitaire.

> le programme complet du festival

Retrouvez sur ventscontraires les podcasts et vidéo des différentes éditions du festival "Nos disques sont rayés". Un festival de mutineries, de rires et de réflexions pour s’élever au-dessus des blocages français – qu’ils soient politiques ou sociétaux, avec la montée des craintes et des extrémismes qui les accompagne.

>Edition #4 février 2020 : Réparer le monde
Quinze jours de débats, performances et conférences pour ouvrir les yeux sur ce que l'avenir climatique nous réserve :épuisement des ressources, déséquilibre climatique, dictature de l’intelligence artificielle... Mais comment négocier l’avenir après l’effondrement général ? On fêtera même la naissance d’une nouvelle science : la collapsologie. Après la fin du monde, on fait quoi ?

>Edition #3 février 2019 : Issue de secours, la périphérie ?
Quinze jours de débats, performances et conférences pour renverser notre vision sur la banlieue, les marges, les « territoires ». Disputes, engueulades et rires salutaires : quand les démocraties vacillent sous le poids des inégalités, il est temps de prendre la parole, de débattre, de sortir des entre-soi. « Acceptons-nous que l’Europe se construise loin de ses citoyens ? Aimons-nous cette France à plusieurs vitesses, l’hypocrisie apartheid et tant de zones oubliées qui ruminent en silence ? » demande l’organisateur Jean-Daniel Magnin, directeur littéraire des lieux. À la veille des élections européennes, le Rond-Point ouvre les issues de secours côté banlieue. Il s’agrandit à tous les publics, aux talents qui débordent, pour un festival citoyen des périféeries urbaines.

>Edition #2 janvier-février 2018
Nos disques rayés plus intimes, ceux qui viennent tourner insidieusement en boucle dans nos têtes et font bégayer de magnifiques mots comme égalité, liberté d’opinion, transparence, justice, laïcité, fraternité, démocratie, mots que nous revendiquons toujours mais qui sont entravés, tenus en laisse, dévoyés de leur élan premier. Ce qui nous révolte et nous accable, nous entraîne dans un monde que nous n’avons pas choisi.

>Edition #1 janvier-février 2017
Notre système politique se mord-il la queue ou peut-il se réformer ? Comment mettre fin à la rengaine des vœux pieux, des discours éventés, du manège des mini-hommes providentiels de plus en plus dévalués à nos yeux, du cercle vicieux dans lequel la Ve République s’est enfermée ?

 

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Le 14 août 2010 à 12:46

Libertude, égalitude, fraternitude

L'autre feuilleton de l'été - 12

En exclusivité pour les aficionados de ventscontraires.net, voici les meilleures feuilles du livre que Christophe Alévêque publie avec Hugues Leroy chez Nova Editions.lundi 7 mai. Depuis l’aube, Ségolène Royal se cloître dans son appartement parisien. Elle a refusé de passer rue de Solferino, assurant qu’elle n’avait pas trouvé un taxi de libre. Le bureau exécutif du Parti socialiste, réuni en cellule de crise, décide à l’unanimité de lui en commander un : elle le fait renvoyer, arguant qu’il n’est pas électrique.   Les résultats du vote remodèlent en profondeur la physionomie du Parti socialiste. Il y a déjà le retrait de la vie politique de Lionel Jospin — véritable coup de tonnerre qui laisse tous les vrais socialistes orphelins. Puis, au matin du 7 mai, le Premier secrétaire François Hollande annonce qu’il quitte ses fonctions pour reprendre sa « liberté de parole ». François Hollande entend créer au sein du Parti un nouveau courant, où sont conviés « tous les vrais gens de gauche, et tous les maris séparés ».De nouvelles élections sont planifiées en hâte : c’est finalement François Peillon qui sera élu Premier secrétaire, au cours d’un petit-déjeuner participatif, en tête-à-tête avec la présidente des Français. Le vote français fait naturellement la une de la plupart des quotidiens français ou internationaux. Libération publie en une la photo de la candidate élue, brandissant un balai-brosse à la Bastille, avec cette seule légende : « youpi ». Dans Le Monde, qui titre « Une femme à l’Élysée », l’éditorial de Jean-Marie Colombani l’assure : « C’est une sorte d’espoir qui se lève pour la gauche ». Le Parisien, lui, proclame : « Marianne au pouvoir ! » et recueille les commentaires de Johnny Hallyday. « La Bourse chute à Paris », déplore Le Figaro. « La Royal surprise », ose France-Soir. Et Vins de France : « Royal au bar ! » A Libération, le service politique étant, la veille, parti se coucher de bonne heure, très abattu, on a tiré à la courte paille pour savoir qui, qui, qui — et c’est le chroniqueur musical Bayon qui s’est collé à la soirée électorale. Après cinq heures de Bénabar - Cali en attendant la présidente, et deux heures de serpillière en suivant, Bayon a sué sang et eau sur son article, tout en s’efforçant de rester fraternel : « Pour résumer Royal, écrit-il, d’abord, ce diamant brut Bowie 72 en constat d'impuissance : “ Wham bam, thank you ma'am ! ” — qui, à la suffragette citée, va comme un gant. » Bayon résume la longue attente à la Bastille, Cali qui se roule partout, les filles aux seins nus, pour se concentrer sur l’arrivée de Ségolène Royal : « … Suivent, en réminiscence Marquee 67, nappe analogique, fumigènes floydiens, avant l'ex machina descente, comme d'acide, de la Papesse PS. Dont l'introït messianique, sorte d'OGM transpol' San Francisco / SFIO, remixant aux accents jaurésiens une communion lysergique au chabichou, d'emblée, sèche.Sourire entre Baez et D'Arc, la mise de la Linda de Souza glam s'électrise d'un batik Grace “ feed your head ” Slick, période acid-coffee à la Maison-Blanche — bras mobiles, cheveu transhumant et gorge pleine, d'où la voix jaillit, libre absolument. Tantôt brame faithfullien, tantôt feulement Janis Summertime, on écoute, médusé, cette parole d'ailleurs, qui nous crie que c'est la nôtre. Libérant, torrentielles, les énergies sexuelles : Gaïa, Cybèle, Astarté. “ Ségo déchire sa mère ”, frémit un un kid voisin, catapulté par dyschronie K-Dickienne dans un concert des Slits 80. » Ce sera la seule incursion de Bayon dans le domaine politique. Pour Laurent Joffrin, qui assure avoir tout compris à l’article, « on n’a rien écrit de plus juste sur Ségolène Royal. »… Toute la journée, la candidate élue reçoit des visiteurs — tant des personnalités que de simples citoyens qui se sont inscrits sur son nouveau blog : « Avenir à venir ». Les gens font la queue sur le trottoir. Toute  personne souhaitant une entrevue doit apporter son manger et une idée sur un papier recyclable, à glisser dans une urne spécialement conçue à cet effet. Les surplus de nourriture seront distribués à des associations caritatives. Eric Besson attend sagement son tour dans la queue, muni d’un chabichou et d’une bouteille de Pineau blanc. Débusqué par les caméras de France 2, l’auteur de Qui connaît madame Royal ? revient sur sa démarche : « C’est vrai, j’ai écrit un livre sur elle — un livre sévère, mais juste —, pour la réveiller. Et je me réjouis d’avoir été entendu. Il va de soi que je ne demande aucun poste : je suis juste heureux pour la gauche. » On reconnaît aussi, parmi les visiteurs, le pénétrant essayiste Jacques Attali. Celui-ci apporte un rapport intitulé « Les cent premiers jours d’une présidente : cent pièges à éviter, cent trucs pour présider malin » — qu’on ne lui a pas demandé, mais qu’il compte bien remettre à la présidente. Il en détaille les points l’un après l’autre pour les médias qui s’ennuyaient sur le pavé. Jacques Attali repartira sans avoir été reçu, à la nuit tombée, blessé au genou par un caméraman qui a laissé choir sa caméra en s’endormant. Bernard-Henri Lévy, de son côté, explique inlassablement à la presse pourquoi cette mini retraite était nécessaire ; combien elle s’impose ; à quel point le symbole est fort ; qu’il faut prendre de la hauteur face à l’événement ; que lui-même se sent prêt, si Ségolène le lui demandait, à arrêter son métier  d’écrivain pour travailler à ses côtés. Cependant, les visiteurs ressortent l’un après l’autre de l’immeuble, transformés, radieux, hypnotisés. Le soir qui tombe ne dissipe en rien la magie : « Dans cette journée historique, j’invite chacun à prendre du recul sur soi-même », conclut Bernard-Henri Lévy, juste avant l’accident de genou de Jacques Attali. La journée du 7 mai inaugure en fait de que la presse baptisera « le temps du recul ». Il en filtre seulement deux propositions très symboliques — que Jean-Louis Bianco annonce aux médias à la nuit tombée. Désormais, chaque policière sera raccompagnée chez elle par un policier, lui-même escorté, dans un souci de parité, par un militaire, lui-même surveillé, dans un souci de réinsertion éducative, par un délinquant condamné aux travaux d’intérêt général. Par ailleurs, le Premier ministre sera un homme…   La suite demain...

Le 17 août 2010 à 12:46

Libertude, égalitude, fraternitude

L'autre feuilleton de l'été - 15

En exclusivité pour les aficionados de ventscontraires.net, voici les meilleures feuilles du livre que Christophe Alévêque publie avec Hugues Leroy chez Nova Editions.mardi 15 mai 2007 Nicolas Sarkozy est rapatrié en France par un hélicoptère mis à sa disposition par le ministère de l’intérieur. Son état s’est amélioré. Mais, arrivé au Bourget, le candidat malheureux est informé, par un journaliste stagiaire, que son épouse Cécilia ne s’est pas déplacée pour voter au deuxième des élections. A la consternation des couples Balkany et Hortefeux venus l’accueillir, Nicolas Sarkozy est pris d’un nouvel accès de colère. Il rend publiquement sa femme responsable de son échec électoral. Il demande au stagiaire médusé de faire passer un message à Cécilia — « … Que cette fois-ci, c’est bien fini ! Que ses robes Prada, elle se les payera elle-même ! Et que j’annule son forfait SFR ! Et que si elle revient, j’annule tout ! ». Puis il annonce qu’il démissionne du conseil général des Hauts-de-Seine. Il reste sans réaction quand on lui apprend que l’UMP s’est dissoute. « On verra », répond-il à la presse qui le questionne sur son avenir politique : pour le moment, il se prépare à « habiter la fonction du perdant » ; il veut « traverser le désert en bateau ». Son ami Vincent Bolloré, qui devait lui prêter son yacht pour aller réfléchir, en cas de victoire, lui prêtera l’un des Zodiac du palace flottant.  mercredi 16 mai 2007 Cérémonie de passation des pouvoirs. A 11h00, Ségolène Royal est accueillie sur le perron de l’Élysée par un Jacques Chirac rayonnant, qui lui tend la main avant de lui claquer une bise et de lui passer, longuement, la même main dans le dos, voire plus bas : « C’est plus sympa qu’avec l’autre », commentera-t-il en privé. La présidente reste impassible. Leur entretien dure une heure. Vers 11h40, un retentissant « salope ! » jaillit des salons élyséens, prononcé par la voix inimitable de Jacques Chirac. La presse, massée à l’extérieur, blêmit. L’insulte est répétée à deux reprises, bientôt suivie par une nouvelle salve non moins dégradante — « pétasse ! grognasse ! ». Le chef du protocole se tord les mains sur le perron. Tous les regards sont braqués sur les portes du palais. A midi, pourtant, la nouvelle présidente de la République, rayonnante, raccompagne son prédécesseur dans la cour d’honneur et prend congé de lui sur une chaleureuse poignée de mains. « Merci pour tout, cher Jacques ! Mes amitiés aux Hariri. Pour les codes du nucléaire, vous m’aviez dit quoi, déjà ? » En riant, elle dissipera l’équivoque devant la presse interloquée : « Ce fut, naturellement, très respectueux. Monsieur Chirac m’a simplement entraînée à serrer des mains et à prendre toutes les insultes avec le sourire — qualité première et essentielle pour le poste, selon lui. » Premières mesures. Dans la soirée, les premières mesures du quinquennat sont dévoilées. La présidente annonce le lancement d’un vaste plan d’économies gouvernemental : « Un euro dépensé, un euro utile », qui va d’abord se concentrer sur les frais de bouche de l’Élysée. D’autre part, les conseils des ministres et les séances de l’Assemblée Nationale sont reportés au mardi — parce que le mercredi, c'est le jour des gosses. Les grands symboles de la République ne sont pas oubliés. En janvier, durant sa campagne, le candidat Nicolas Sarkozy avait évoqué la mémoire du jeune fusillé communiste Guy Môquet, faisant crier la gauche à la captation d’héritage. Est-ce une réponse indirecte de Mme Royal ? A sa demande de la présidente, on affichera dans toutes les écoles de France, à l’intention des élèves qui auront le droit de la lire ou pas, une lettre peu connue de Mme Môquet à son fils : « … Qu’est ce que tu fais à traîner tout le temps dans les rues ? C’est dangereux. Pense à ta mère, pense à ta famille, n’oublie jamais que la famille, c’est le socle qui te permettra, à toi, d’avancer dans la vie, et à ton pays, de s’en sortir. Ta mère qui t’aime. »   La suite demain...

Le 3 janvier 2017 à 17:40

Jean-Michel Rabeux et Claude Degliame : Aglaé s'en fiche qu'on ait fait un spectacle sur elle

L'auteur et metteur en scène Jean-Michel Rabeux et la comédienne Claude Degliame ont tiré leur spectacle de leur rencontre inespérée avec "Aglaé", prostituée ayant dépassé les soixante-dix ans, toujours en activité, qui défend avec une morgue aristocratique la liberté avec laquelle elle a toujours exercé son métier. Jean-Michel Rabeux – Aglaé nous a fait taire en fait. Nous sommes sortis de chez elle joyeusement, stupéfaits d’une liberté de parole qui racontait une liberté de vie. Elle revendique son destin, elle s’amusait beaucoup à nous le raconter. Liberté est un de ses mots. Certains autres de ses mots sont beaucoup plus crus. J’ai beaucoup coupé, mais pas pour l’amadouer ou la trahir. Je n’aimerais pas du tout trahir cette femme. Son humour, sa causticité, son intelligence, mais aussi sa générosité, son amour pour ses clients, enfin, certains, sa profondeur humaine, nous ont réjouis. Nous sommes sortis de chez elle revigorés. Aussi par son intransigeance, ses emportements terribles contre les maquereaux ou les lois, qu’elle met un peu dans le même panier.   Aglaé c’est une Dame, avec majuscule, c’est le mot qui nous est venu. Une aristocrate. De Sarcelles, mais une vraie, pas par le sang, par l’altitude. Une que l’avis de la société sur sa pensée, sur son mode de vie, laisse de marbre, elle se met d’ailleurs assez aisément hors-la-loi. C’est une qui diffère. Elle nous a plu pour ça, elle diffère. Ce n’est pas tant son métier qui nous a retenus, c’est sa différence. Je le dis vraiment sans provocation, la personne à qui elle nous a fait le plus songer est un mathématicien de haut niveau de nos amis. Lui aussi est ailleurs de nous, il est autrement.   C’est cette différence qui, outre sa drôlerie, son humain trop humain, en fait un personnage de théâtre : elle n’est pas « normale », pas dans la norme. Ça non ! Phèdre non plus. Nous ne sommes pas d’accord avec tout ce que dit Aglaé, loin de là, mais c’est peut-être ce désaccord qui nous a fait tenter le plateau. Elle sait des choses que nous ne savons pas, elle les sait avec son corps, c’est, à bien des égards, difficile de se mettre à sa place. C’est pourtant exactement ce que Claude Degliame va faire, tenter de faire, se mettre à sa place, prendre sa place, pour vous faire ressentir ce que nous avons, par elle, ressenti. Avec émotion nous vous présentons cette Dame, pour qu’il soit rendu justice à sa forme de liberté. Il y a, socialement, politiquement, débat déchaîné sur son métier. Ça ne nous intéresse pas, en tout cas pas ici. Ici c’est l’humain qui nous intéresse. Il n’y a humainement pas débat : Aglaé est une grande, très grande personne. Grâce soit rendue à sa vie de chien !

Le 24 janvier 2018 à 11:27

Pascal Blanchard : Pourquoi la France est incapable d'avoir un Musée de la colonisation ?

Un passé qui ne passe pas ! En 2012, nous étions quelques-uns dans Libération à imaginer la nécessité d'un espace muséal sur le passé colonial en France. L'histoire coloniale est encore un enjeu politique du présent. La manière de lire ce passé, d'écrire cette histoire, de la faire entrer au musée est devenu un enjeu symbolique et identitaire fondateur. Depuis trois ans, le paysage muséographique est en mouvement, à travers l'inauguration du Mémorial ACTe en Guadeloupe, avec celle du Mémorial de l'abolition de l'esclavage à Nantes. Dans le même temps, un tel projet sur l'île de La Réunion a été stoppé suite à un changement politique au niveau régional, ainsi que le projet du Musée de l'Histoire de la France et de l'Algérie par la nouvelle municipalité de Montpellier. On le voit, le combat qui s'engage ne sera pas seulement celui de la transmission de l'histoire coloniale et son entrée au musée, mais bien de savoir si la manipulation du passé doit servir les politiques identitaires du présent. > visite de l'exposition commentée par Pascal Blanchard en seconde partie du podcast de la conférence Historien, spécialiste du « fait colonial » et d’Histoire des immigrations en France, chercheur associé au CNRS au Laboratoire Communication et Politique, Pascal Blanchard est co-directeur du Groupe de recherche Achac (colonisation, immigration, post-colonialisme) et membre du conseil scientifique de la Fondation Lilian Thuram – Éducation contre le racisme. Il a été le co-commissaire scientifique de l’exposition Exhibitions. L’Invention du Sauvage présentée au Musée du quai Branly (2011-2012), vient d’inaugurer l’exposition Zoos humains. L’Invention du Sauvage à la Cité Miroir de Liège. Il a co-dirigé de nombreux ouvrages, notamment Zoos humains et exhibitions coloniales. 150 ans d’invention de l’autre (La Découverte, 2011), La France Noire. Trois siècles de présences des Afriques, des Caraïbes, de l’Océan Indien et d’Océanie (La Découverte, 2012), Vers la guerre des identités ? (La Découverte, 2015) ainsi que le catalogue de l’exposition, Exhibitions. L’Invention du Sauvage, avec Gilles Boetsch et Nanette Snoep (Actes Sud). Il a co-réalisé entre autres les séries télévisuelles Noirs de France ; Paris couleurs ; Frères d’armes et Champions de France. Il a co-dirigé plusieurs éditions dont les ouvrages de La Fracture coloniale (2005) ; le coffret Un siècle d’immigration des Suds en France (2010) et, avec Sandrine Lemaire, Nicolas Bancel, Éric Deroo, Gilles Boetsch : Zoos Humains. De la Vénus hottentote aux reality shows (La Découverte 2002).  Enregistré le 8 février 2017 pendant le festival "Nos disques sont rayés - quinze jours sur les blocages français"Programmation du festival : Jean-Daniel MagninCaptation vidéo : Larissa Pignatari, Léo Scalco

Le 16 août 2010 à 12:46

Libertude, égalitude, fraternitude

L'autre feuilleton de l'été - 14

En exclusivité pour les aficionados de ventscontraires.net, voici les meilleures feuilles du livre que Christophe Alévêque publie avec Hugues Leroy chez Nova Editions.jeudi 10 mai 2007Marie-Olympe de Gouges, révolutionnaire, féministe, avocate inlassable de la tolérance et des libertés, fait son entrée au Panthéon, 215 ans après avoir été guillotinée à Paris. A quelques jours de la passation des pouvoirs, le président Jacques Chirac a consenti à ce transfert, à la requête de Mme Royal. Une « Marche humaniste » déambule dans la capitale depuis la place de la Concorde, ancienne place de Grève, jusqu’à la place des Grands Hommes. Ségolène Royal a pris la tête du cortège, habillée d’une longue tunique blanche sans col, portant dans ses bras un livret au titre évocateur : Déclarations des droits de la femme et de la citoyenne. Elle est pénétrée par la solennité de l’instant. Le silence se fait sur son passage : seuls quelques couples se disputent, très vite séparés par le service d’ordre. Les cadres du Parti socialiste sont venus, par réflexe, mais on les a tenus à l’écart de toute décision. C’est seule que la présidente pénètre à l’intérieur du Panthéon, déposant à l’entrée une photo de François Mitterrand, sans René Bousquet dessus. Une heure plus tard, après s’être perdue dans les couloirs, elle en ressort avec un plan détaillé du monument. C’est alors le fameux discours à Olympe de Gouges, qui marque un temps fort du quinquennat : « Olympe : ne m’en veux pas si je te tutoie — moi, la petite fille de Lorraine née à Dakar d’un père militaire. Car je dis tu à tous ceux que j’aime, même si je ne les enterre qu’une seule fois. Voici plus de deux siècles, tu écrivais : “ L’oubli ou le mépris des droits de la femme sont les seules causes des malheurs publics”. Et pour avoir écrit ces mots — et pire encore, pour les avoir pensés — tu étais condamnée par le tribunal révolutionnaire, guillotinée après avoir eu le temps d’être mère, désavouée par le fils que tu aimais plus que tout au monde, traînée dans la boue par les autres femmes, traitée de virago. De contre-nature. D’immorale. De politicienne ! Eh bien, entre ici, Olympe de Gouges ! Viens contempler, dans les yeux morts des hommes qui se croyaient tes maîtres, ce qu’il est resté de leur puissance ! » Dans l’assistance, une profonde émotion le dispute à une certaine perplexité — surtout chez les jeunes en tee-shirt Vêtimarché, qui avaient compris qu’on allait rattraper la fête ratée du 6 mai. La présidente réclame enfin quarante-cinq minutes de silence « pour les quarante-cinq ans d’Olympe, fauchés par le couteau de Sanson ». La foule les observera scrupuleusement, malgré  l’averse. Enfin l’on se disperse, en se donnant rendez-vous place de la Bastille. Les cadres du Parti socialiste, eux, se regroupent, en se donnant rendez-vous dans une arrière-salle de café pour taper la belote. Le soir, une fois que la grande fête républicaine, familiale et fra-ter-nelle s’est dispersée, le service politique du journal Libération rentre se coucher sans dire un mot, si bien que la rédaction doit à nouveau tirer à la courte paille pour savoir qui, qui qui. Le sort s’acharne : c’est Bayon qui a la plus courte. Affolé, il met sa démission dans la balance. Pour finir, Grégory Schneider, le chroniqueur sportif du quotidien, doit s’y coller. « On allait voir ce qu’on allait voir : on a vu, écrit-il le lendemain, dans un article intitulé “ En attendant Ségo ”. Le peuple de gauche, venu fêter l’élection et les bons souvenirs du dix mai, s’est retrouvé dans un bain de perplexitude hier soir, place de la Bastille. Certes, les regards dubitatifs des citoyens désormais au pouvoir laissaient toujours filtrer une certaine joie intérieure. Mais bon, la joie est tout de même restée très intérieure, et tout au long de la soirée. On ne va pas se faire l’apôtre de la bibine, mais la décision d’interdire la vente de boissons alcoolisées dans tous les magasins, bars et cafés du quartier, hier soir, en a laissé plus d’un sur sa soif : c’est au Champomy qu’il a fallu trinquer devant les portraits géants de François Mitterrand et Olympe de Gouges. On passe sur l’absence de sono — habilement compensée, il faut le dire, par tous les groupes de musique africaine, totalement inconnus, qui se promenaient dans la foule. On a même vu deux filles danser au rythme des « Ségo go go go », un collectif rassemblant diverses ethnies de l’Ouest du Sénégal : Éric Besson, l’un des rares VIP croisés hier à la Bastille semblait apprécier. Sinon quoi d’autre ? L’Europe des régions, était à l’honneur. Les stands avaient mis leurs habits du dimanche — produits locaux, fanfares locales, en sévère concurrence avec le coin du Poitou et sa vedette, le chabichou. Tout ça ne remplaçait pas la présidente, pourtant annoncée, mais qu’on aura vainement attendue toute la soirée. Le peuple de la Bastille, bon bougre, avait fini par en prendre son parti hier soir, et se résignait à passer un tranquille moment : la fin des festivités sonnée dès 22 heures (par arrêté Royal ?) n’aura pas empêché les petits de s’amuser ni les grands d’espérer.         En résumé, une drôle de fête à maman, dont on peut tout de même se demander si elle ne marque pas les débuts d’une certaine idée de l’ennui. »    La suite demain...

Le 15 mars 2015 à 09:04

Un autre / épilation par laser

Je m’étais toujours dit que mon identité me faisait tort. Le jour où j’ai su que j’allais pouvoir rencontrer Anna, une étoile montante du tennis russe, j’ai décidé de me métamorphoser. De fond en comble. Devenir un autre. Pour tenter de la séduire. J'ai teint mes cheveux et mes sourcils. J'ai mis des lentilles de couleur. Le jeune homme brun venu d'ailleurs est devenu un jeune blond aux yeux bleus. Aiat Fayez est devenu Alain Fayer. Mais il manque quelque chose pour parfaire la métamorphose. Je vérifie méticuleusement la teinture de mes cheveux. Je cherche le défaut qu’il faut rectifier. J’examine les sourcils et les cils : force est de constater que tout est parfait. Tant mieux. Je décide de m’épiler le corps au laser pour me débarrasser une fois pour toutes de mes poils noirs. Il y a un institut de beauté discret à quelques rues de là ; les fenêtres sont teintées, je ne risque pas de perdre mon incognito devant tout le monde. Je m’y rends ; dès que je vois la petite brune au teint mat de l’accueil, je reconnais une compatriote. Tout se complique aussitôt. Elle me regarde, essaie de me trouver à travers mon regard, de trouver mon moi originel. Je commence à donner des signes d’agitation, c’est plus fort que moi ; je sens les gouttes de sueur ruisseler de mon front ; je lui explique ce que je souhaite, elle se met derrière son ordinateur, demande mes nom et prénom. J’émets, la voix étranglée : « Alain Fayer. » Elle n’a pas compris le nom. Je répète avec un trémolo dans la voix : « Fayer. » –  « Avec un z à la fin ? » – « FA-YER, dis-je en haussant la voix, AVEC UN R. » Elle me regarde bizarrement maintenant ; il manquerait plus que je sois obligé de m’excuser. Elle m’explique la différence entre l’EPILATION PAR LASER et l’épilation par lumière pulsée. J’opte pour le meilleur, qui est le plus radical. Elle me tend un questionnaire médical que je remplis à la vitesse de la lumière. Elle va s’occuper de tout, le dermatologue viendra en dernier lieu pour enclencher la machine. Parfait. Elle m’enjoint d’entrer dans la pièce pour me déshabiller. Je pousse la porte, avance de quelques pas ; impression immédiate d’être à l’hôpital. Tout est blanc dans la pièce, très propre. Il y a une machine sortie du mur sur laquelle je vais devoir me coucher avant qu’elle ne rentre dans le mur. Ça ressemble à s’y méprendre à celles utilisées pour traiter le cancer. Je me demande ce que je fous là. Je maudis mes origines, mon pays natal, et tout ce qui me concerne de près et de loin. La petite brune entre. « Vous ne vous êtes pas déshabillé ? » – « J’étais sur le point. » – « Je reviens dans cinq minutes alors. » Elle sort. Je me déshabille avant d’enfiler la robe de chambre. Elle va rentrer et voir le contraste entre mes poils noirs et mes cheveux blonds. Ses doutes vont se dissiper. J’espère juste qu’elle ne dira rien. Qu’on finira la séance sans un mot. Elle revient. « Ça y est ? » Je fais oui. Elle m’explique comment ça va se passer. Je vais devoir mettre des lunettes spéciales, puis je me coucherai sur le ventre, la machine entrera dans le mur, les rayons laser vont détruire les poils de mon dos, mon bassin, et plus bas. La machine sortira. Je me mettrai sur le dos et ce sera la même chose pour les poils de devant. J’écoute comme un bon élève. Je suis si gentil quand j’ai peur. « Vous êtes originaire de quel pays ? » fait soudain la petite. Je n’en reviens pas. J’ai l’impression d’avoir mal entendu, ce qui s’est déjà produit. « Pardon ? » Elle a un grand sourire ce qu’il y a de plus naturel : « Vous êtes originaire de quel pays ? » Le processus chimique que je connais bien se déclenche automatiquement dans mon corps : le cœur se met à battre dans mes oreilles, la gorge devient sèche, le regard perd son éclat, la sueur envahit le visage. Je le ressens clairement ; mais elle, ne le voit-elle pas ? Elle n’en a pas l’air, pas vraiment en tout cas, puisqu’elle ne passe pas à autre chose, elle reste sur sa question, elle reste sur l’attente de la réponse, elle ne veut pas retirer ce qu’elle a demandé alors que je suis en train de le lui proposer tacitement. A l’amiable. Revenons à nos moutons. Faisons comme si de rien n’était. Ce qui a été n’a pas été. Même le blanc qui s’ensuit n’y fait rien. Elle doit être sûre d’avoir à faire à autre chose qu’un Français. « Vous ne voulez pas le dire ? » demande-t-elle en gardant le même sourire qui me paraît maintenant maléfique. « Si, si, fais-je en souriant comme si je pensais à quelque chose d’autre. Je me demandais justement si vous n’étiez pas une compatriote. » Elle me regarde en riant, mais cette fois c’est elle qui est là, pas l’esthéticienne, c’est la petite brune compatriote dans tout ce qu’elle est et n’est pas, dans tout ce qu’elle a et n’a pas. Elle me demande dans ma langue maternelle si je viens du même pays ; je réponds oui dans la même langue, et bizarrement, cela me libère, ou du moins me calme, même si je sais qu’elle ne fera jamais allusion à la couleur de mes cheveux et de mes yeux mais qu’elle n’en pensera pas moins. Elle continue de me questionner dans notre langue maternelle : si je suis ici depuis longtemps, si j’aime la France, si j’aime les Français, si je rentre souvent au pays natal, si je compte rester ici. Un à un tombent de mon être des pans de mon incognito, et je les entends s’écraser au sol, je sursaute presque à chaque question, je réponds de bonne grâce, attendant juste que ce cauchemar se termine mais elle en redemande, ça n’en finit pas. Elle aime beaucoup la teinture de mes cheveux, elle le dit, oui, le plus naturellement du monde, dans cette langue maternelle qui me porte malheur ; et elle me complimente après que je lui ai confirmé que j'ai fait la décoloration moi-même, sans l'aide d'un professionnel. En revanche, elle se permet, c’est son expression, même si elle se permet tout, absolument tout, maintenant qu’elle me voit K.O. debout, elle se permet d’émettre une réserve sur la couleur des yeux : elle aurait, dit-elle, choisi des lentilles vertes qui iraient mieux avec mon teint. Dont acte. Elle poursuit en disant qu’elle tente de convaincre son petit ami de se teindre les cheveux mais qu’il n’en a pas le courage. J’explose soi-disant de rire mais on entend clairement que c’est un faux rire, la preuve, elle coupe court à la discussion et m’enjoint de chausser les lunettes spéciales. Je m’exécute en la remerciant, sans savoir pourquoi. Aiat Fayez, Un autre, Editions P.O.L, 2014

Le 26 août 2010 à 12:46

Libertude, égalitude, fraternitude

L'autre feuilleton de l'été - 24

En exclusivité pour les aficionados de ventscontraires.net,  voici les meilleures feuilles du livre que Christophe Alévêque publie avec Hugues Leroy chez Nova Planet.lundi 18 juin 2007Élysée. Le plan d’économies gouvernementales « un euro dépensé, un euro utile » se poursuit avec une rigueur spartiate. Après avoir fait changer toutes les ampoules de l’Élysée pour des modèles à basse consommation, la présidente fait procéder à un audit des caves, suivi d’une vente aux enchères de 10 000 des 15 000 grands crus en réserve — qui pourrait rapporter entre 2 et 5 millions d’euros. L’opération est rondement menée, malgré la crise de nerfs du sommelier de l’Élysée : le forcené s’enferme dans les caves, criant qu’il n’y laissera jamais descendre la présidente, parce qu’elle ferait tourner le vin. La garde républicaine l’en délogera. Au grand mécontentement des syndicats viticoles, on procède au réexamen des contrats avec les fournisseurs réguliers, essentiellement remplacés par des producteurs de Pineau des Charentes,  pour 200 000 € d’économies à l’année. La droite, sous l’impulsion de Jean Louis Borloo, hurle qu’on brade à l’encan le patrimoine. Les frais de bouche sont revus dans le sens « de l’économie ménagère », c’est-à-dire qu’on accommodera les restes. Les réceptions officielles se voudront « festives et conviviales », centrées autour d’un buffet Pineau des Charentes et chabichou. Le chef du protocole ayant fait circuler une note angoissée sur les menaces que ces disposition font planer sur le prestige de la nation, la présidente a suggéré qu’on les complète — pour les grandes occasions seulement — par des pyramides de rochers au chocolat sur des plateaux : 21 millions d’économie à l’année. L’ensemble du parc automobile est soldé, pour être remplacé par 45 voiturettes électriques Heuliez « Friendly ». La Présidente aligne sa rémunération sur le SMIC — « Ça m’évitera les questions pièges sur le niveau du SMIC », déclare-t- elle — et elle prie à chaque membre du gouvernement de proposer, lui-même, la baisse de ses émoluments : les Français jugeront ces hommes et ces femmes en fonction du pourcentage annoncéLa suite demain...

Le 21 août 2010 à 12:46

Libertude, égalitude, fraternitude

L'autre feuilleton de l'été - 19

En exclusivité pour les aficionados de ventscontraires.net, voici les meilleures feuilles du livre que Christophe Alévêque publie avec Hugues Leroy chez Nova Editions.dimanche 27 mai 2007 Sur les chaînes du service public et en simultané sur radio Nova — mais en version électro —, Ségolène Royal inaugure l’émission Vous avez la Parole, allocution présidentielle au pied levé. Elle aura lieu tous les dimanche à midi, juste après l’autre messe. Au cours de ce premier « entretien informel avec les Français », on compte trente-deux fois l’expression : « vous m’avez dit ». Détendue, souriante, la présidente promeut avec passion ses initiatives, non sans quelques notes d’humour, avec ce sens de l’autodérision qui la caractérise : « Il ne faudrait pas que désirs d’avenir deviennent regrets du passé, hi hi hi ! » Elle remercie les électeurs à douze reprises et présente des excuses pour l’histoire des cocottes. Vous avez la Parole est l’occasion « de réfléchir, ensemble, à toutes ces choses que vous m’avez dites » en « explorant les moyens de bâtir des voies nouvelles ». Ce jour-là, les Français découvrent qu’ils ont donné plein d’idées à la présidente. Elle propose une journée sans voiture, qui sera fusionnée avec la journée sans tabac et au cours de laquelle les citoyens responsables seront appelés à ménager leur santé, mais aussi celle des citoyens moins responsables, sous la supervision des médecins de l’armée. Pourquoi aussi ne pas remplacer la journée de la Femme par une journée de l’Amour — où chacun s’engagerait à faire un geste significatif pour l’autre, sous le patronage de l’armée ? La présidente annonce surtout un grand « plan pour l’égalité domestique », fondé sur une idée simple : l’égalité au foyer, cela passe par la formation dans l’entreprise. Les hommes recevront, sur leur lieu de travail, des cours de tri de linge, de repassage et de nettoyage de sanitaires. « Et tous ceux que cela fait ricaner, précise la présidente, je les attends au tri du linge ! » Les femmes recevront, sur leur lieu de travail, une formation au hors-jeu en football, avec séance vidéo. « A toutes, à tous, conclut la présidente, un bon repas du dimanche ! Ensemble, dans ce cercle familial qui s’agrandira pour former un cercle national — socle sur lequel nous bâtirons, ensemble, une nouvelle société. Je vous salue du fond du cœur. » Selon le porte-parole Bernard-Henri Lévy, « Ségolène Royal a tenu un discours d’espoir et de responsabilité. Nous avons dit les mots qu’il fallait dire ; nous avons fait les gestes qu’il fallait faire ». Le socialiste Jack Lang, lui, regrette publiquement de ne pas avoir eu toutes ces idées avant — mais il tient à rappeler qu’il ne demande rien. Le soir même, Dominique de Villepin annonce la création d’un nouveau parti : Vent d’Espoir. En privé, il avoue souhaiter avec impatience le retour de Nicolas Sarkozy et son croc de boucher, qui lui permettrait de revenir sur le devant de la scène politique et de tuer l’ennui. [incohérent avec ce que déclarera DVP en 2008] Quant aux secrétaires d’État concernés par ces initiatives, ils avouent ne pas avoir été consulté avant l’émission. Mais ils trouvent les suggestions originales et, dans la droite ligne de la politique promise par Mme Royal, vont se mettre au travail rapidement, après avoir vérifié que la présidente ne changerait pas d’avis…La suite demain...

Le 15 février 2017 à 12:04

Jean-Pierre Filiu : Un tour de France des Arabes #2

Nos disques sont rayés - quinze jours sur les blocages français

« Chaque nouveau débat sur l’Islam en France est plus lourd que le précédent. Je choisis pour ma part de parler des Arabes plutôt que des Musulmans, de peuples plutôt que d’une religion, d’une culture plutôt que d’une foi. Les attentats du 13 novembre 2015 ont suscité de nombreuses d’interventions de ma part dans le cadre d’initiatives citoyennes de natures très diverses. J’ai ouvert ce cycle spontané devant deux cents lycéens de Mantes-la-Jolie, quelques jours après le massacre terroriste. Je n’ai depuis cessé de présenter et de dialoguer, depuis Dunkerque jusqu’à Montpellier, de Douarnenez à Vesoul, en passant par Le Havre, Bourges, Bordeaux, Périgueux, Nîmes ou Grenoble. J’y ai rencontré des femmes et des hommes de tous âges et de tous milieux, désireux de comprendre et d’agir pour ne pas céder à la tentation populiste. Ce Tour de France des Arabes a profondément transformé ma vision de ce pays et de son rapport à l’autre. Oui, les Lumières arabes s’efforcent depuis deux siècles de s’imposer malgré l’hostilité locale et internationale. Non, il n’y a pas de fatalité à la violence et le jihadisme n’est qu’une secte née trente ans plus tôt, appelée à disparaître si on ne lui fait pas l’immense service de l’assimiler à l’Islam. » Conférence enregistrée le 1er février 2017, salle Topor Captation et montage Larissa Pignatari, Léo Scalco

Le 28 août 2017 à 17:53

Kery James : faire se rencontrer les deux France

Rond-Point – Kerry James, pourquoi aujourd'hui écrire et interpréter une pièce de théâtre ? Kery James – Je veux faire de À vif une pièce dont on ne ressort pas indemne, une pièce qui marque, bouleverse parfois et peut-être même change les choses. Peut-être même une seule. Une pièce importante, sociale, nécessairement politique mais pas politicienne. En d’autres termes, une pièce qui participe à la vie de la cité. Ce sont là les objectifs que je me suis fixés tout au long de ma carrière musicale et je ne saurais faire autrement dans le théâtre, la peinture ou le cinéma. Cette pièce a selon moi la capacité d’intéresser un très large public car elle raconte la rencontre entre ce que j’appelle les « Deux France ». « Deux France » qui ne se connaissent pas ou s’ignorent. « Deux France » qui se méprisent parfois et qui continueront à avoir peur l’une de l’autre tant que seuls les médias et la classe politique leur serviront d’intermédiaires.   Ces deux mêmes France que l’on va tenter d’opposer en 2017, lors des élections présidentielles. Il est une évidence que les mots d’ordre pour les prochaines élections seront la division, la stigmatisation et l’exclusion d’une partie des Français du sentiment d’appartenir à la Nation. Il s’agira d’une course pitoyable à la séduction de l’électorat de Marine Le Pen.   Cette pièce ne règlera certainement pas le problème, mais proposera quelque chose de fondamental à la cohésion nationale : un dialogue. Elle tentera de briser les idées reçues et de mettre en évidence la complexité de ces deux France que certains tentent d’opposer en les présentant comme deux blocs compacts et soudés dans lesquels tout le monde vit et pense de la même manière.   C’est pourquoi tout au long de mon écriture, je me suis efforcé à ne caricaturer aucune de ces deux France. Les deux avocats se livrent tous les deux à une plaidoirie fortement argumentée et construite. Je n’ai pas cherché à favoriser une opinion plutôt qu’une autre. Ma conviction intime étant que tous ensemble nous pouvons parvenir à améliorer la situation des banlieues en France et le vivre ensemble.   En 2012, je me suis produit au Théâtre des Bouffes du Nord pendant trois semaines. Accompagné d’un clavier et d’un percussionniste, j’y ai interprété les titres les plus marquants de ma carrière. Le public amateur de rap dans une forme plus habituelle n’a pourtant pas boudé le concept, au contraire. Il s’est retrouvé mélangé au public habituel du Théâtre des Bouffes du Nord et aux curieux, qui ne connaissaient pas mon répertoire. En raison du sujet évoqué, en plus du public habitué à fréquenter les théâtres, À vif attirera des spectateurs qui habituellement n’y viennent pas car ils le jugent, à raison selon moi, trop abstrait et éloigné de leur réalité.   Les deux France se rencontreront au théâtre, dans le réel et peut-être même, échangeront. Ce sera déjà un petit pas vers le vivre ensemble. Les montagnes sont faites de petites pierres.

Le 1 septembre 2010 à 07:46

Libertude, égalitude, fraternitude

L'autre feuilleton de l'été - 30

En exclusivité pour les aficionados de ventscontraires.net,  voici les meilleures feuilles du livre que Christophe Alévêque publie avec Hugues Leroy chez Nova Editions.lundi 2 juillet 2007 Accords de Khartoum. Le conseil du ministre du mardi 3 juillet est prévu à Soudan, petite communauté des Deux-Sèvres, dans le canton de la Mothe-Saint-Héray. On y attendra en vain la présidente. Dans la soirée du lundi, en effet, Ségolène Royal s’envole pour le Soudan africain en compagnie de Bernard-Henri Lévy. A peine descendus de l’avion, ils proposent, spontanément, une rencontre à huis clos entre les belligérants de la guerre civile au Darfour. « Depuis le temps que ça dure, explique la Présidente, il faudrait peut-être passer à autre chose : parce que là, je ne vous le cache pas, la communauté internationale commence à en avoir plein le dos. » La rencontre a lieu le soir même au Hilton de Khartoum. Sous l’impulsion de la Présidente et de son porte-parole, un accord est trouvé en moins de sept heures entre les milices Janjawid, l’Armée de Libération du Soudan, le Mouvement pour la Justice et l'Égalité, l’Armée Populaire de Libération du Soudan, les différents chefs de guerre et les gouvernements de Pékin, de Khartoum et de N’djamena. Sitôt l’annonce connue, un vaste sursaut démocratique électrise la société soudanaise : le général Omar el-Béchir est destitué sous les vivats de l’armée ; une coalition gouvernementale multiethnique se met en place, emmenée par la socialiste Fatima Ahmed Abdelmahmoud : elle sera confirmée par les urnes trois mois plus tard et mettra sur pied une commission « Franchise et Réconciliation ». « Une bonne chose de faite, commentera la Présidente au sortir de la réunion. Comme quoi quand on veut, on peut. Et ce n’était quand même pas la mort du petit cheval. »Dans les heures qui suivent, une immense vague de soulagement s’empare du monde entier — qui n’en pouvait plus de voir depuis cinq ans, l’actualité trustée par ce génocide inexplicable et sans éclat. Les dons affluent, par milliards, sur Internet. Cet enthousiasme planétaire désamorce un début de crise diplomatique entre Paris et Pékin : rappelé dans son pays, l’ambassadeur chinois reçoit sur le tarmac d’Orly un coup de fil lui enjoignant de reprendre le bus pour l’avenue George-V. A quelque temps de là, la Fondation Total pour le Bien-Être des Pauvres qui ont du Pétrole (FTBEPP) annonce un programme de dispensaires gratuits dans le sud Soudan — malgré les protestations de la China National Petroleum Corporation, qui a des intérêts dans la zone. Le Fonds Areva pour l’Avenir de l’Énergie et des Peuples qui ont de l’Énergie, mais pas d’Avenir (FAAEPEA) fait savoir qu’il prend à sa charge le rapatriement des populations déplacées — malgré les protestations de la China National Nuclear Corporation qui extrait de l’uranium dans la région. La tragédie du Darfour est close. L’initiative française soulève de vives critiques à l’ONU : le premier Secrétaire Général Ban Ki-moon déplore de la « précipitation coupable » avec laquelle l’affaire a été menée, « sans concertation aucune avec les instances internationales ». En France, la droite — par la voix Charles Pasqua — tonne contre une « initiative boum-boum » qui « manque de correction » et ravale « la politique africaine de la France au rang de l’amateurisme ». Le Parti socialiste lui aussi se montre très réservé, sans trop savoir pourquoi. Une déclaration de Benoît Hamon résume bien le sentiment général : « Ben je sais pas… Quand on est socialiste, et qu’on voit une initiative comme ça, super concrète, qui donne des résultats… Et que tout le monde est content… C’est permis d’avoir des doutes, quand même. » Le divorce se creuse entre la Présidente et son parti. Enfin, une protestation unitaire montée par l’extrême-gauche : « Tout ça, c’était pour le pétrole », se solde par un cuisant échec : deux cents manifestants d’après les organisateurs, et Olivier Besancenot d’après la police. Selon une enquête indépendante menée par une ONG, les accords de Khartoum ont permis d’épargner plusieurs centaines de milliers de viesLa suite demain...

Le 23 août 2010 à 12:46

Libertude, égalitude, fraternitude

L'autre feuilleton de l'été - 21

En exclusivité pour les aficionados de ventscontraires.net, voici les meilleures feuilles du livre que Christophe Alévêque publie avec Hugues Leroy chez Nova Editions.mercredi 6 - vendredi 8 juin 2007 Heiligendamm, Allemagne. Au sommet annuel du G8, Ségolène Royal fait une arrivée remarquée dans un petit planeur électrique aux couleurs de l’Europe, construit par la société Heuliez. Attendue sur le petit aérodrome de Heiligendamm, elle se pose sur le parking d’un supermarché voisin. Un taxi la ramène à l’aérodrome, où Angela Merkel est venue la saluer. Mais la présidente, snobant la chancelière, préférera serrer la main du président de l’aéro-club local. Ses relations avec Mme Merkel sont tendues. Selon Le Canard Enchaîné, la présidente « ne lui pardonne pas d’avoir été élue femme la plus puissante de la planète, alors qu’elle même ne figure pas au palmarès ». Il existe, assure le magazine allemand Der Spiegel, une compétition acharnée entre ces deux femmes, « sur le mode : “ C’était mon idée ! — Non, j’y avais pensé avant ! ” » Sous le manteau, des conseillers diplomatiques confient à Marianne : « L’une traite l’autre de grosse vache [ou bien,plus soft : de Walkyrie luthérienne ? ] ; l’autre appelle l’une la Madone des marais. » Ses rapports avec Vladimir Poutine sont plus ambigus. « Ils balancent entre la fascination et la répulsion, explique le psychanalyste Gérard Miller auquel le magazine Politis a eu la bonne idée de s’adresser. L’homme lui rappelle étrangement son père : ça ne m’étonnerait pas qu’elle lui fasse un procès un jour. » La présidente, ce mercredi 6 juin, s’entretient une heure et demie en tête à tête avec M. Poutine. Au sortir de l’entretien, elle retrouve la presse devant laquelle elle délivre l’un des discours les plus clairs et inspirés de toute sa mandature. C’est tout juste si les journalistes, éblouis, remarqueront le passage d’une civière qui emporte le Russe évanoui, les doigts crispés sur un magnum de vodka vide. Cette rencontre laissera une profonde impression sur Vladimir Poutine, lui inspirant ces mots qui, dans sa bouche, sont le plus beau des compliments : « Elle a des couilles, cette femme ». Avec Silvio Berlusconi, les choses sont plus claires : elle le déteste. Il représente tout ce qu’une femme comme elle, descendante en ligne directe d’Olympe de Gouges, abhorre. Cependant, comme il est le seul à remarquer qu’elle a une nouvelle coupe de cheveux, pour laquelle il la complimente longuement, elle finira par le trouver attendrissant et même, « marrant ». Lors de la conférence de presse clôturant le sommet, prenant tous les participants de court, elle annonce qu’ils se sont tous mis d’accord pour que le G8 se transforme en G 238 [G192 ?], regroupant tous les pays de la planète. Une crise diplomatique est évitée de justesse grâce au traducteur qui avouera s’être trompé dans les chiffres…    La suite demain...

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