Ekaterina Kulakova
Publié le 11/06/2011

Mantra du chômeur


entretien imaginaire

– Que voudriez-vous faire dans la vie ?
Dans la vie… ça me paraît assez restrictif. Et puis, qui a dit qu’il fallait se limiter à une chose ? Je veux faire de tout. Tout ce qui m’est imparti : respirer, admirer le soleil, observer les jeux d’enfants dans les parcs, flâner en chassant du pied les feuilles mortes. Je conçois ma vie toute entière, sans entailles, d’un flux continu. Certes, je classerai sagement les dossiers, discuterai au creux des cafètes avec des collègues insipides et blasés ; je resterai même un soir pour finir un petit rangement. Mais ni ces gens, ni les dossiers, ni le chef en papier ne vont pas me manquer à la fin du contrat. Mon salaire n'ira pas dans des boutiques de luxe, pour des fringues à la mode ou des bijoux clinquants. J’aménagerai sobrement ma modeste piaule qui me servira de logis provisoire, suffisant. Je dépenserai un petit peu pour acheter des bouquins, inviter les copains, leur offrir des cadeaux. Tout le reste, je le garderai, pour m’offrir un petit peu de flâneries, de voyages et de temps de chômage.

Issue du fameux département 99 qui abrite si amplement le reste du monde, je suis littéraire à mes heures et enseignante à celles des autres. Mythomane pratiquante, intellectuelle engagée à mi-temps et conformiste militante. Depuis que je suis ballottée au gré des vents contraires, la langue française est mon seul port d'attache, ma maison que je n'arrête pas de remplir, mon royaume que je n'en finis pas d'explorer.

 

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Le 7 juin 2012 à 09:24

Comment j'ai loupé mon entretien d'embauche

Chronique d'un non recrutement annoncé

La responsable des ressources humaines ouvrit le feu :  «  Comment vous imaginez-vous dans cinq ans ? —Hum…je pense que je serai enceinte de mon troisième enfant répondis-je. » Interloquée, elle ajouta : —Ah… à ce propos… vous avez déjà des enfants peut-être ? —Absolument pas non. Mais je compte bien me mettre à l’ouvrage dès cette année. » Là, il me sembla qu’elle était à deux doigts de s’étouffer. Le petit homme chauve à son côté me regardait avec un air amusé. « Bien, reprit-elle. Je…je suis un peu surprise. Poursuivons ! Pourriez-vous me citer trois défauts et trois qualités qui sont les vôtres ? —Commençons par les qualités, c’est plus positif. Eh bien, voilà la première. Je suis quelqu’un de positif. Je suis également très spontanée et intègre. Quant à mes défauts, on me dit imprévisible, assez indisciplinée et parfois un peu trop radicale. » A cet instant c’est le directeur financier que je vis changer de couleur passant du vert pâle au blanc transparent. « Ce sont des défauts assez… comment pourrait-on dire… ? hésita t-elle —Chiants ! Ce sont des défauts assez chiants pourrait-on dire répondis-je avec la spontanéité que j’évoquais un instant plus tôt.   Un long silence plana alors au-dessus de nos têtes. Silence au terme duquel elle reprit l’entretien avec un détachement significatif. Cinq minutes plus tard j’étais dehors, déambulant sous les arbres qui bordaient l’allée et desquels s’envolaient en bouquets odorants les pétales blancs de cette fin de printemps.

Le 26 février 2012 à 08:08
Le 19 septembre 2011 à 08:38
Le 13 mars 2011 à 20:35

Les secrets de Jean Piero

Ventscontraires.net vous ouvre les coulisses de ses "Pièces Montées", diffusées dans le journal 3D sur France Inter

Jean Piero n’est pas vraiment journaliste, il vient de l’univers du spectacle, par la chanson, et de celui des arts plastiques. Pourtant, on pourrait s’y tromper, puisqu’il se balade avec un micro en posant des questions, autour d’une thématique imposée chaque dimanche par Stéphane Paoli pour son émission en direct du Rond-Point. Le résultat radiophonique (ses "Pièces Montées" dont vous pouvez entendre quelques pastilles sur ventscontraires.net), c’est un joyeux mélange de voix, d’idées folles et de vérités aussi. Et évidemment, lorsqu’on est auditeur, on se demande quel est son secret de fabrication… D’abord, il lui faut trouver un lieu, le plus silencieux possible, pour des raisons techniques évidentes. Donc il fuit les bistrots, qui sont aujourd’hui pollués par les musiques d’ambiance (ça l’énerve) et leur préfère les jardins publics, les galeries, les beaux magasins. Il faut que les gens y soient prédisposés à la beauté.Ensuite, il choisit ses voix à leur air disponible, et les aborde avec le matériel d’enregistrement le plus discret possible. Lorsque toutes ces conditions idéales sont réunies, il peut poser ses questions, dans un ordre bien précis. A écouter Jean Piero, tout est dans la question, longuement pensée. Après, il faut laisser faire : "Si on fait confiance aux gens, on a souvent des bonnes surprises. Chacun a de la poésie en soi, on est tous, quand on le veut, de grands producteurs de surréalisme, ne serait-ce que dans nos rêves." La psychanalyse, d’ailleurs, n’est pas bien loin… "J’écoute la signification des mots et je rebondis. C’est de l’interprétation libre : en suivant le sens des mots, on peut aller dans des endroits totalement inattendus." Alors, pas de trucage ? "Parfois, quand on trouve un bon mot avec quelqu’un, je le lui fais répéter. C’est une écriture commune, où tout est permis". Il peut aussi organiser des dialogues entre des personnes qui ne se sont pas vues. Ça, c’est le boulot de montage, lors duquel il travaille aussi le rythme, l'équilibre, les respirations, bref, tout ce qu'on attend dans son poste et qui a l'air de couler de source… Jean Piero a un site, on peut y entendre ses séries radiophoniques des années précédentes, écouter ses photos et y voir ses images : jpiero.com. Et entendre sur ventscontraires.net quelques-unes de ses pièces montées.(image Jean Piero)

Le 10 mai 2011 à 11:30
Le 9 février 2011 à 08:00

Baudelaire, le rieur

C’est un texte majeur et pourtant méconnu de Baudelaire qui vient tout juste d’être réédité* : De l’essence du rire et généralement du comique dans les arts plastiques, paru initialement dans la confidentielle revue Le Portefeuille le 8 juillet 1855. Pour le spécialiste Alain Vaillant qui oublie toutefois Notes sur le rire (1947) de Marcel Pagnol, il s’agit même du seul essai théorique de toute la littérature française explicitement consacré à la question de l’humour si essentiel dans l’esthétique baudelairienne, lors même que son auteur était « l’âme véritable de la presse artistique et contestataire du Second Empire ». Que dit Baudelaire ? Que le rire, expression de l’orgueil et de la supériorité, est satanique et « donc profondément humain ». Pas trace de cette joyeuse morsure au Paradis Terrestre. « Le Sage craint le rire, comme il craint les spectacles mondains, la concupiscence. Il s’arrête au bord du rire comme au bord de la tentation. » Baudelaire distingue le comique significatif (Molière) et le comique absolu (Hoffman) qui est violence, férocité, grotesque, carnaval, tonnerre, cataclysme, ivresse. A celui-là, bien sûr, va sa préférence. « Pour qu’il y ait comique, c'est-à-dire émanation, explosion, dégagement du comique, il faut qu’il y ait deux êtres en présence ; - que c’est spécialement dans le rieur, dans le spectateur que gît le comique ; - que cependant, relativement à cette loi d’ignorance, il faut faire une exception pour les hommes qui ont fait le métier de développer en eux le sentiment du comique et de le tirer d’eux-mêmes pour le divertissement de leurs semblables, lequel phénomène rentre dans la classe de tous les phénomènes artistiques qui dénotent chez l’homme l’existence une dualité permanente, la puissance d’être à la foi soi et un autre . » Quant au Sage, qu’il continue de trembler !  *Baudelaire journaliste. Articles et chroniques choisis et présentés par Alain Vaillant. GF Flammarion, 381 p., 8,90€.

Le 23 septembre 2014 à 09:40

Je sais pas

L'objet du délire #11

Je sais pas si c'est sa couleur, ce jaune, ce jaune omelette et jonquille, ce printemps, cette promesse de printemps et d'oeufs frais dans la paille, quand le décolleté de la fermière les ramasse, tandis qu'un rayon de soleil frappe les poussières en suspension et la ligne d'ombre et de peau entre ses seins, je sais pas si c'est sa forme oblongue de tube d'aspirine coiffé d'un capuchon blanc, cette gueule de demi-jouet, cet air de faux médicament qu'on frotte sur les genoux égratignés des gamins, je sais pas si c'est à cause de la molette dentelée, elle résiste toujours un peu au début cette fichue molette dentelée, surtout quand on ne s'en est pas servi depuis longtemps, mais faut pas beaucoup de force non plus pour que ça glisse et puis que ça tourne, projetant lentement le bâton de résine blanc hors de son écrin, un peu comme le boudin qui tombe de la machine en inox de l'artisan boucher, mais un boudin raide, qui sort verticalement, qui vise le ciel, pas du tout un boudin quoi, je sais pas si je suis clair, ça m'obsède, peut-être que c'est sa consistance, dure et gluante à la fois, difficile à étaler quand on y va comme une brute, mais qui, entre des mains délicates, forme de minces pellicules discrètes, comme des lacs translucides sur le papier blanc, c'est peut-être un peu tout ça à la fois, je sais pas, je sais vraiment pas, ou alors je me trompe, ou alors c'est son parfum, simplement son parfum, cette odeur douce et molle de salle de classe, de billes perdues, de fêtes des mères et de doigts potelés, ce parfum d'enfance qui me saute à la gueule chaque fois que quelqu'un ouvre un bâton de colle UHU.

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