Geoffroy Monde
Publié le 13/10/2015

Mon papa est un boxeur


Geoffroy Monde est magique depuis 2004 et a souvent été élu meilleur espoir. Il raconte tout ça dans des albums publiés aux éditions Lapin et sur son blog Saco : Pandemino. Des fois, il ment. 

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Le 24 janvier 2013 à 10:51

Un papa, une maman, trois possibilités

Je dis pas ça pour râler mais au début, le mariage pour tous, j'étais plutôt contre : je suis un farouche partisan du mariage pour personne. Je veux dire, je n'ai rien contre les buffets de dessert et les oncles saouls, mais si ça implique de sacrifier à des traditions archaïques et patriarcales, autant aller directement au stand de tir. Seulement, il paraît que c'est pas ça, la contre-proposition. Je dis pas ça pour râler, mais en revanche, l'adoption pour tous, au début, j'étais plutôt pour, même si j'ai mal saisi le glissement sémantique qui fait invariablement passer à l'un quand on parle de l'autre et inversement. Mais comme je suis un garçon instruit, j'ai quand même lu les arguments des opposants, pour pouvoir me moquer. Il ne faut jamais faire ça. J'ai failli changer d'avis. A cause de cet argument si pertinent : oui mais après, à l'école, les autres enfants se moqueront. Car c'est bien connu, les enfants dont on se moque finissent très mal, il paraît que certains sont même chroniqueurs pour Ventscontraires, la revue participative du théâtre du rond-point, terrible repaire de gauchistes et, pire, d'artistes, c'est dire s'il y a danger. Donc, oui, aujourd'hui, je le clame, supprimons la moquerie, ce si terrible fléau. Et pour cela, la solution la plus évidente est évidemment de supprimer toutes les possibilités de se moquer. Commençons par prohiber la rousseur. Et dans la foulée, interdisons aux gens d'être petits (quelle idée saugrenue!), grands, gros, maigres ou suisses allemands. Plus jamais de Bouboule qui va toujours au but quand on fait du foot, plus jamais ! Et combien de temps devrons-nous encore tolérer les premiers de classe, ces gens si quolibetogènes ? Puis nous nous attaquerons aux défauts de prononciation. A la maladresse et à la nullité en sport. Puis, enfin, nous fermerons nos écoles à tous ceux qui aiment les épinards.

Le 15 octobre 2015 à 09:03
Le 22 décembre 2015 à 07:32
Le 18 juin 2010 à 18:45

Les façons dont la femme et l'enfant accélèrent le pas dans les escaliers

(Chose vue)

La main de la femme est dans le dos de l’enfant, la pousse. La femme se penche, elle voit la rame de métro stationnée depuis longtemps maintenant. L’enfant accélère le pas tant bien que mal, ses yeux s’agrandissent et deviennent ronds, ils scrutent chacune des trop hautes marches pour ses petits pieds. La femme dit quelque chose dans une langue que l’homme ne comprend pas ; l’enfant tord la bouche et ses pieds sur les hautes marches alors l’autre main de la femme se colle contre le ventre de l’enfant. Les deux mains de la femme enserrent l’enfant et la soulèvent du sol. L’enfant tout contre la poitrine de la femme s’agrippe à son cou. La femme dévale d’un pas assuré les dernières marches. La femme court vers la porte encore ouverte avec l’enfant dans ses bras. La femme crie quelque chose à l’enfant. Les paroles de la femme se mélangent au signal sonore de la rame métropolitaine, l’homme ne l’entend pas. Les portes se ferment et la femme et l’enfant restent sur le quai. La femme dépose l’enfant sur le sol. L’enfant regarde le quai et la femme, le métro qui disparaît. L’enfant enfouit les deux mains dans les poches de ses pantalons, se retourne, regarde d’une drôle de façon la volée d’escaliers. Sur le quai, la femme trépigne et tape un peu du pied, regarde l’heure à sa montre, puis caresse doucement la tête de l’enfant. La femme dit encore quelque chose à l’enfant. La femme et l’enfant rient.

Le 18 avril 2012 à 08:49
Le 5 août 2010 à 17:29

La femme et l'enfant assises sur le banc

(Chose vue)

La femme et l’enfant patientent sous l’auvent. Le bus. Son arrivée. L’enfant parle à la femme. La femme répond à l’enfant. La femme acquiesce aux propos de l’enfant. L’enfant narre des choses, d’autres très inventées très vraies très belles. L’enfant parle de la peur. L’enfant eut peur aujourd’hui. L’enfant eut peur cette nuit. La femme dit à l’enfant que les choses qu’elle raconte sont fausses ; elles n’existent pas. L’enfant réplique qu’elle sait, l’enfant sait ce qu’elle dit ; les choses elle les vit. L’enfant jette un regard noir sur la femme. L’enfant se lève. L’enfant saute du banc au sol. Plutôt, elle s’aide des deux mains qu’elle appuie, les paumes bien à plat, sur le banc. L’enfant pousse avec les mains, se soulève et d’un mouvement du bassin elle se retrouve sur ses pieds et fait face à la femme. La posture de l’enfant est crâneuse. L’enfant se tient les jambes un peu écartées, les mains maintenant sur les hanches et le menton vers le Bosphore d'Almásy. L’enfant répète encore ses mots. La femme sourit. La femme se moque de l’enfant. La femme tend la main vers l’enfant. L’enfant recule. L’enfant ne veut de la méchante délicatesse de la femme ; l’enfant ne ment pas. L’enfant insiste. La femme n’écoute plus l’enfant. La femme se lève, s’approche du bord du trottoir, et observe le bus à l’arrêt devant le sémaphore à quelques mètres de l’auvent transparent. La femme prend de force la main de l’enfant qui ne veut pas.

Le 9 septembre 2014 à 10:48

La classe, c'est aussi la Truant Class

C'est la rentrée des cancres La rentrée des classes, ce n’est pas seulement bien sûr la rentrée de la lutte des classes à l’école, c’est aussi la rentrée des cancres, des cancres présentables certes, les ptits morpions faisant rigoler dans les chaumières sortant tout droit de la fadasse Foire aux cancres, les têtards que Beaumarchais appelait « les insolents chérubins ». Et les cancres réellement mal léchés en faisant voir plus d’une aux pères la baguette, aux madames j’ordonne et aux profs pot-de-colle dans le droit fil des garnementeries de Max et Moritz, de Poupon la peste, de Lucignolo (le mauvais camarade anarchisant de Pinocchio), du Voleur de Bagdad, du Giannino Furioso de Vamba, du Bon Petit Diable de la Comtesse, des « Lucifers en culottes courtes »* de Pascal Bruckner (dans Le Palais des claques, 1986) ou des non moins infernaux Katzenjammer kids. Insupportables « petits fous-fous », comme disait de vous Jehan Rictus, vous avez votre place dans les premiers rangs du Rond-Point. Au même titre que bien d’autres mauvais sujets. Grâce au ténébreux Jules Van, l’historien dans les Libé des eighties du « Vrai Art nouveau » (l’art du détournement, de l’imposture, du sabotage, du pique-assiettisme sauvage…), j’ai mis la main sur un des meilleurs éloges anonymes du « cancre dira-t-on » ayant flâné dans les préaux de France. Ça date de 1979. Les peaux de vache, les faux-culs et les concons  « À la maternelle déjà, je haïssais les maîtres. En face d’eux, j’étais un gamin tout sourire, charmant et naïf. Aussitôt hors de vue, je pilais les craies dans les encriers, gravais des obscénités sur les belles tables cirées et répandais de l’encre sur la chaise des maîtresses aux jolis froufrous. Au lycée, en 4e, je fondais avec deux voisins de fronde le groupe « Arsène Lupin », dont la malfaisante activité était la guerre aux professeurs et aux pions. Dès les premières semaines, nous savions à quoi nous en tenir sur le noble caractère de notre chiourme. Nous la classions en trois catégories, les « peaux de vache », les « faux-culs » et les « concons ». Avec les peaux de vache, tous les coups – clandestins – étaient permis : clous rouillés sur la chaise, tableau pesant effondré en plein cours, insultes blessantes et anonymes, « vache qui rit » collées au plafond tombant en débris mous, pneus lacérés, chapeau plein de merde. Face aux faux-culs, nous étions plus ouvertement ignobles. S’ils se vengeaient sans pitié pendant les conseils de classe ou nous livraient aux censeurs, ils devaient subir ensuite notre vengeance et nos farces monstrueuses. Nous venions au cours avec dix de ces petites boîtes qui imitent à la perfection le « meuh ! » gras d’une vache, et donnions une heure de concert alpestre. Dès qu’une boîte était découverte, une autre hurlait de plus belle dans la travée d’à-côté. Et ainsi de suite. Nous attendions que notre faux-cul craque, nous étions méchants et cruels. Prétextant sa mauvaise haleine, toute la classe lui tournait soudain le dos ou se protégeait le visage avec une moue dégoûtée. Nous déclenchions après cinq minutes de leçon la sonnerie de la fin des classes, un magnétophone caché dans un sac et sortions en hurlant dans la cour. Le faux-cul était savonné par la direction. Avec les « concons » enfin, espèce des plus rares, nous étions toujours absents et trichions sans vergogne. » Touche pas à mon terrain vague En guise de complément, voici une info de La Libre Belgique du 8 février 1973 que je trimballe depuis lors dans mon cabas sur ce qui peut nous tomber sur la cafetière quand on court sur le haricot des cancres. « Deux garçons de treize ans ont démoli à l’aide d’un bulldozer une maison toute neuve que l’on avait édifiée sur leur terrain de jeu favori, à Reno, aux États-Unis. Ils ont attendu que les ouvriers du chantier soient partis pour la nuit et sont alors allés chercher un bulldozer dont ils avaient repéré la présence à un kilomètre de là. Avec cet engin, ils ont passé à quatre reprises sur la maison neuve. Lorsque les ouvriers sont revenus le lendemain matin, ils n’ont pu trouver que des gravats. » Nous laissons les mots de la fin tout d’abord à la bien oubliée aujourd’hui Nicole Bley, alias La Panthère bleue, qui frigoussa en 1972 le pamphlet carabiné Lâche ton cul, camarade (Pauvert). « Tous les enfants feront ce qu’ils voudront : ils se passeront des films interdits, et y’aura plus d’écoles ; ils pourront jouer à l’eau ; et se mettre les doigts dans les trous de nez, et ils pourront manger leurs crottes de nez et dire aux vieux tout ce qu’ils pensent d’eux ; roter, pisser, péter et chier à la figure de qui ils veulent ; puis dessiner des cochonneries partout virgule, faire des virgules virgules, sur tous les murs, avec leurs excréments !... Faire des pâtés de sable avec le sang coagulé de leurs parents. » Et c’est Pierre Desproges qui ferme notre rideau scolaire avec sa version personnelle de L’École est finie : « Il faut mettre le terme aux maîtres ! »   NB : La Truant Class : la classe des petiots faisant l’école buissonnière. * « Les Lucifers en culottes courtes crevaient les pneus des voitures de leurs maîtres et maîtresses, les bombardaient de petits suisses et de fromage blanc pendant les cours, posaient des clous, pointes retournées, sur leur chaise, les huaient, les sifflaient ouvertement. »  

Le 9 octobre 2010 à 08:00

La rue encombrée

(chose vue)

La rue est encombrée par les échafaudages. Dans la rue encombrée par les échafaudages les piétons peinent à avancer. La lumière est belle ce soir. La température est basse et la ville humide, les gouttelettes de pluie, fines, font se crisper les visages, elles apparaissent dans les phares jaunes ou blancs des voitures empêchées et pressées aux carrefours de la ville ce soir. Vendredi. Vendredi soir l’excitation citadine est palpable. Ressentie. Chacun se dépêche ; il est question ce soir de se défouler. Demain est un jour calme un peu. Sans travail. Les klaxons. L’heure chienne est hivernale. L’on ne sait pas. Il fait jour et nuit dans le même temps. L’on ne sait pas. Cela ne durera pas. Bientôt les choses rentreront dans l’ordre ; la nuit. La femme dans la rue tient l’enfant par la main. L’enfant se laisse porter par la main de la femme. Elle la guide. La main de la femme guide celle de l’enfant et tout son corps avec. La femme et l’enfant descendent du bus. La femme fait un grand pas et du bus au trottoir elle enjambe le caniveau. L’enfant fait un saut, s’appuie et s’aide de la main de la femme, l’enfant saute du haut bus jusqu’au trottoir ; l’enfant saute par-dessus le fleuve, le caniveau. L’enfant sourit. Victoire. La femme ne voit le sourire de l’enfant. La femme ne regarde pas l’enfant. La femme regarde le pictogramme vert qui devient rouge. La femme et l’enfant ne traverseront pas la rue. Elles patientent. La femme et l’enfant patientent.

Le 17 octobre 2015 à 08:10
Le 20 août 2013 à 09:33

Summerhall, centre d'art éléphantesque

Carte postale d'Edimbourg

Depuis plus d'un siècle, les étudiants y ont disséqué éléphants, chimpanzés, vaches et canards. Et lorsque l'école vétérinaire d'Edimbourg s'est transportée dans un édifice plus moderne, on s'attendait que l'immense bâtisse de briques et de verre devienne une arcade commerciale chic, avec boutiques et restaurants... Eh bien non, le lieu restera une école vétérinaire, a annoncé Robert McDowell, après l'avoir payé cash au nez et à la barbe des promoteurs immobiliers. Et en effet Summerhal est restée une école vétérinaire. Mais pour artistes. La métamorphose s'est achevée cet été, lors du dernier festival d'Edimbourg : dans les 500 salles que compte ce centre d'art à nul autre pareil, vous trouverez une douzaine de galeries, des scènes pour les concerts, une dizaine d'espaces réservés au théâtre, une bibliothèque, plusieurs collections d'art contemporain, un nombre infini de lieux de lecture, de rencontres, de projections ou d'ateliers d'artistes, une revue d'art, des restaurants bien sûr... et bientôt une crèche. Partout dans l'infini rhizome de couloirs, escaliers en colimaçon, salles de cours conservées jalousement dans leur état premier, des artistes s'installent et expérimentent les joies de l'interdisciplinarité chère à McDowell. Mais sans toucher aux squelettes d'animaux ou aux planches anatomiques préservés de ci de là dans l'ancienne école. "Si c'était un projet culturel du gouvernement, ils l'auraient habillé comme ils imaginent qu'une galerie se doit d'être. Nous voulons conserver le caractère de cet endroit. Ça reste une école vétérinaire." A la fois consultant financer, artiste et ancien assistant de Joseph Beuys, l'espiègle Robert McDowell est bien décidé à s'amuser en grand et réinvente la figure du mécène en soutenant la marge plutôt que les arts officiels. Afin de contrer l'hégémonie du stand up omniprésent durant le Festival d'Edimbourg, son équipe invite une kyrielle de performers européens parmi les plus déjantés à venir s'exprimer dans leur propre langue. A mi chemin entre off et le in, prolongeant toute l'année l'esprit du festival dans la capitale écossaise, Summerhall a choisi aussi de faire le contraire quant à sa communication : "Notre stratégie est de ne rien dire sur ce que nous faisons. Nous voulons que les gens le découvrent par eux-même, se sentent privilégiés de le connaître..." Bref, ne cherchez pas plus loin : c'est à Summerhall qu'il faut se rendre en ce moment ! > voir aussi http://www.summerhall.tv/

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