Jacques Attali raconte une blague juive sous Staline


Petites recettes pour rire de tout et même de l'avenir - 1

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"Rire, c’est dire le bonheur, même fugace, même paradoxal, même construit en réponse à une menace. Mais aussi résister, c’est rire. Rien n’est plus révolutionnaire que le rire d’un résistant devant le peloton d’exécution."

En 2008, Jacques Attali était l'invité de l'Université du Rond-Point consacrée au rire de résistance. Plutôt qu'une conférence sérieuse, il a choisi de distiller le meilleur de l'humour juif dans de savoureuses « petites recettes pour rire de tout et même de l'avenir ».

"Un pays heureux n'a pas besoin d'humour." Staline

Soyez les cancres du sérieux, faites voler en éclats de rire le bon goût et sa bonne conscience, en écoutant les cours, performances et autres conférences de progesseurs agrégés d'insolence et de cocasserie.

Avec France Culture et Tilder.

 

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Le 21 mars 2013 à 08:26

Christian Salmon : Ces histoires qui nous gouvernent #4

De Henry Ford à Steve Jobs, l'émergence du story-telling management

> Premier épisode                  > Episode suivant Dans sa conférence-performance "Ces histoires qui nous gouvernent", l'écrivain et journaliste Christian Salmon poursuit son salutaire travail d'analyse du story-telling. Dans cet extrait, il revient sur un récit édifiant mais fictif qui a joué un rôle décisif dans l'intervention américaine en Afghanistan et même au-delà. "Quoi de plus innocent et charmant qu’une histoire bien tournée ? Les histoires nous distraient et nous instruisent en nous faisant rêver. Désormais, avec la technique du storytelling, elles nous gouvernent et sont devenues un instrument de contrôle des opinions, une « arme de distraction massive ».L’entrée en guerre préventive contre l’Irak, le reality show au début du mandat de Sarkozy, sa métamorphose en capitaine courage face à la crise financière, l’épopée victorieuse de Barack Obama… Autant de fictions préparées dans le secret de war rooms où s’élabore le storytelling intégré. Christian Salmon nous propose un voyage dans les démocraties contaminées par l’hypermédiatisation, une exploration des mythes politiques à l’âge du néolibéralisme. Une traversée de la crédulité contemporaine. " Enregistré le 30 novembre 2012 dans la salle Topor du Théâtre du Rond-Point En partenariat avec Cinaps TV et Rue 89 Vous pouvez également retrouver le podcast audio complet de cette conférence-performance.

Le 24 mai 2017 à 19:15

Meilleurs souvenirs du Rond-Point

Vidéo album de Jean-Daniel Magnin

Quinze ans de Théâtre du Rond-Point racontés par ceux qui l'ont fait, avec des interviews originales et des archives tirées de ventscontraires.net, la revue en ligne du Théâtre du Rond-Point. durée : 36 min générique :Meilleurs souvenirs du Rond-PointVidéo album de Jean-Daniel MagninAvec par ordre d’apparition : voyageurs de la gare de Lyon, Yann Frisch, Edouard Baer, Jacques Bonnaffé, Zabou Breitman, Michel Fau, Sophie Perez, Pierre Guillois, Marthe L'Huillier, Bernard Pivot, Rémi De Vos, Kery James, Bertrand Delanoë, Dada Masilo, Anne Benoit, Dominique Reymond, Hélène Ducharne, Arnaud Pontois Blachère, Mélanie Lheureux, Annik Le Goff, Michel Onfray, Etienne Klein, Philippe Decouflé, Nicolas Bouchaud, Pierre Notte, Jean-Paul Muel, Daniel Pennac, Gilles Gaston-Dreyfus, Marie Rémond, Nelson Monfort, Marion Aubert, Elisa Benslimane, Julia Passot, Olivier Martin-Salvan, Boris Cyrulnik, Kader Aoun, Michel Serres, Erik Orsenna, Marjane Satrapi, Pierre Meunier, Alain Rey, Alexis Macquart, Guy Bedos, Luciano Rosso, Valérie Bouchez, Rodrigo García, Charb, Gérard Mordillat, Plantu, Frédéric Lordon, Mathieu Madénian, Thomas VDB, Ekoué et Hamé (La Rumeur), Wary Nichen, Edwy Plenel, Jean-Michel Ribes, Babx, Gaël Faye, Christine Taubira, Jacques Gamblin, l'équipe du Théâtre du Rond-Point Musique : L’Orchestre du Rond-Pointcomposition et arrangements Gilles Normand David Lescot, Jean-Claude Leguay, Christian Hecq, Philippe Fretun, Guillaume Monard, Jean-Daniel Magnin, Lionel Dublanchet, Emilie Rambaud, Jean-Philippe Vallet, Pierre Grisar, Bruno Allain, Gilles NormandRéalisation et montage : Jean-Daniel Magninavec des archives de ventscontraires.net , la revue en ligne du Théâtre du Rond-Pointet des photographies de Giovanni Cittadini Cesi

Le 17 décembre 2013 à 10:12

L'architecte Yann Rocher : du Palais de Glace au Théâtre du Rond-Point

« Des traces d'oiseaux et la magie d'un cercle" (Jean-Louis Barrault)

Yann Rocher, architecte et coresponsable du département Art Architecture Politique de l' Ecole Nationale Supérieure d'Architecture Paris-Malaquais nous a raconté l'histoire du bâtiment si singulier du Rond-Point lors d'une soirée autour du centenaire de Jean-Louis Barrault. C'était le lundi 4 octobre 2010 Rares sont les hommes de théâtre qui parviennent, au fil de leur pratique, à formuler des préceptes sur la manière de bâtir un théâtre. Plus rares encore sont ceux qui les mettent en œuvre, en édifiant un jour ou l’autre, leur propre théâtre. De ce point de vue, Jean-Louis Barrault, est exemplaire. Non content d’avoir fait vivre avec Madeleine Renaud et leur compagnie neuf lieux successifs, en repartant le plus souvent de zéro, Barrault a pensé, écrit, construit ses lieux. Si presque tous sont situés sur ce qu’il appelait le « campus de Paris »[i], le Théâtre du Rond-Point occupe une place particulière dans cette formidable généalogie. Il s’agit certes du dernier théâtre, mais c’est aussi celui qui boucle la boucle : installée dès 1946 au Théâtre Marigny juste en face, la compagnie passera tour à tour par le Théâtre des Nations, le Théâtre du Palais-Royal, l’Odéon-Théâtre de France, l’Elysée-Montmartre, le Théâtre Récamier, le chapiteau du cirque Fanni, le Théâtre d’Orsay, avant de s’établir au Rond-Point. Une traversée des Champs-Elysées ponctuée de trente-cinq années et plus de sept cent mille kilomètres de tournées. Je vais évoquer les relations de Barrault avec les lieux scéniques et l’installation de Renaud-Barrault au Rond-Point en quatre courts chapitres : le théâtre mobile, la cathédrale de toile, le prototype d’Orsay et la greffe au Rond-Point. Non pas comme témoin, je n’ai pas eu la chance de connaître Barrault comme plusieurs personnes dans cette salle, mais comme un architecte des théâtres fasciné par une figure ; J’ai travaillé à partir de sources historiques, qui m’ont d’autant plus captivé que je viendrai bientôt travailler avec mes étudiants en architecture en ce lieu, et il nous importe de savoir par qui et comment il a été fondé. J’ai bénéficié par ailleurs des conseils de Karine Le Bail, qui vient de publier des entretiens inédits entre Barrault et Guy Dumur[ii] ; je demande par avance votre indulgence si des éléments manquent à mon propos. J’en profite aussi pour remercier Pierre Notte et l’équipe du Rond-Point pour leur invitation à cette soirée d’hommage. Le théâtre mobile L’histoire de Barrault au Rond-Point, lieu que l’on appelait autrefois Palais de Glace, ne remonte pas au début des années 80, mais à la fin des années 40 : dès cette époque, il dépose à la Ville de Paris un projet d’aménagement du Palais, pour en faire le premier « théâtre mobile », selon des principes qu’il évoque dans son texte « Histoire d’un rond »[iii]. Si je me fais l’interprète de Barrault, « l’histoire du théâtre n’est autre que l’histoire d’un rond »[iv], et cette histoire est cyclique. Les formes théâtrales naissent toujours dans un cercle primitif, où les acteurs sont, pour le public, autant de face que de dos. Puis ce modèle évolue nécessairement et s’adosse à un mur, comme dans les théâtres grecs ; jusqu’à ce que le rond ne se divise en deux, tel que dans les théâtres romains. La scène et la salle se séparent encore davantage, le théâtre est alors une boîte magique, comme les théâtres à l’italienne de Bibiena. Au terme de ce cycle, il faut rompre l’illusion, remettre le théâtre à la portée de tous et revenir à la vérité, celle du théâtre en rond. La conclusion de Barrault est alors la suivante : « L’architecture idéale d’un théâtre devrait se composer d’un rond sur deux rails. Tantôt le rond serait au milieu des spectateurs, tantôt adossé au mur, quelquefois derrière le mur, lequel pourrait avoir la souplesse d’un rideau… pourquoi pas ? »[v] [demande-t-il]. Probablement le Palais de Glace, qu’il qualifie dans le texte de « grosse marmite »[vi], aurait constitué un parfait réceptacle pour son théâtre mobile, où l’architecture est pensée comme un moyen de synthétiser et reproduire toutes les formes historiques de jeu et de rapport scène-salle (un peu du reste comme le théâtre total, esquissé par Erwin Piscator et Walter Gropius en Allemagne quelques années plus tôt). Le projet est refusé par la ville et ne voit pas le jour, mais des principes, que l’on retrouvera plus tard, sont lancés.   La cathédrale de toile Les théâtres investis par la suite par Barrault et la compagnie, que j’ai cités, sont l’occasion de développer ce que Barrault appelait un « théâtre total », ou « théâtre complet », en opposition à un théâtre psychologique et partiel du 19e siècle[vii]. Bien entendu le lieu théâtral n’est pas la question centrale de cette quête et des enjeux dramaturgiques et de mises en scène qu’elle soulève. Mais plusieurs expériences singulières d’espace y ont certainement contribué : Je pense d’abord au besoin vital de Barrault de diversifier les jauges de ses théâtres, en proposant une petite et une grande salle, besoin qu’il comparait à l’exposition de la peinture. Il disait par exemple que des œuvres étaient faites pour être regarder sur un mur, et d’autres, sur un chevalet. C’est cette attention qui le conduit à créer les petites salles du Marigny, de l’Odéon, d’Orsay, ou du Rond-Point. Je pense ensuite aux tentatives d’éclatement de l’espace scénique et de l’imbrication de la scène et du public : entre autres les pièces Henry VI de Shakespeare au Théâtre de France en 1966, où deux chemins traversaient l’orchestre et permettaient de jouer parmi les spectateurs ; et Rabelais, donné sur une scène en croix dans la salle parallélépipédique de l’Elysée-Montmartre en 1968, qui était à l’époque une salle de boxe et de catch. Je pense également, suite à l’éviction du Théâtre de France, à des projets ambitieux dans d’autres formats, que Paul-Louis Mignon souligne dans sa biographie[viii] : par exemple le principe d’un Théâtre d’Europe imaginé en 72, sous la forme d’un théâtre expérimental de langue française, dont la structure mobile de 1200m2 aurait été édifiée au Grand-Palais, agrémenté d’un bateau-théâtre de création internationale et de tournées sous chapiteau, qui auraient voyagé de ville en ville. Mais ce qui semble marquer Barrault plus que toute autre chose dans ces années là, c’est l’expérience de la vie sous chapiteau, inaugurée en 1969 sous le chapiteau Medini à Rome, et sous le chapiteau Fanni à Brangues en 1972. Comme en son temps Gémier et son Théâtre National Ambulant, le chapiteau semble pour Barrault redonner sens au théâtre. Dans au moins deux textes, en effet, il fait l’éloge de cette vie sous chapiteau, dont il détaille les vertus par rapport aux lieux traditionnels : s’il admet que le chapiteau impose quelques concessions esthétiques, il est pour lui supérieur sur le plan poétique : il n’intimide pas le public contrairement aux théâtres institutionnels, il permet d’unifier la salle, et de mélanger les gens. Il est aussi l’occasion de fins de soirées conviviales : « La représentation se terminait par une espèce de colloque amical entre les spectateurs et nous. […] et on finissait le colloque en plein air »[ix], explique Barrault à propos de la tournée initiée au printemps 73. Et cette expérience change la donne, car, je cite encore : « Sous chapiteau, nous sommes toujours dans le même théâtre, nous donnons toujours la même représentation : ce sont les villes qui, autour de nous, changent. Paradoxalement, les villes viennent à nous et nous les recevons chez nous »[x]. En définitive, cette vie sous chapiteau semble pour notre homme une véritable révélation : « J’ai pris alors conscience que la poésie de mon métier, c’était justement la poésie de l’éphémère »[xi]. La pièce « Sous le vent des îles Baléares » donnée sous le chapiteau Fanni est un tel succès, que Barrault souhaite la donner dans les mêmes conditions à Paris. Le chapiteau est donc installé dans la gare d’Orsay et y reste plus de trois mois.   Le prototype d’Orsay Barrault voit dans la gare d’Orsay un lieu qui ne demande qu’à vivre[xii], il négocie avec la SNCF la location de 2000m2, et se lance coûte que coûte dans la construction du Théâtre d’Orsay, en recyclant d’ailleurs du matériel issu d’anciennes productions. Le programme, qu’il imagine comme la « synthèse heureuse de l’histoire architecturale du théâtre »[xiii], est tout à fait dans la lignée du projet pour le Palais de Glace, dont il reprend le concept de mobilité, et cette figure du rond, qui « empêche qu’il y ait des différences de classes »[xiv] : « J’avais donc pris comme base le chapiteau, la grange, le théâtre mobile – c'est-à-dire un rond qui pourrait être remis contre le mur, ou derrière le mur, ou remis au milieu de la salle – et en même temps, je me suis donné pour règle de ne pas reculer le fond de la salle au-delà de la limite des vingt-cinq mètres »[xv]. D’un point de vue réglementaire, la construction d’un chapiteau à l’intérieur d’Orsay est loin d’être une sinécure. Pour contourner les obstacles de la sécurité incendie, Barrault propose à la préfecture et aux pompiers le principe d’une peau double, qui intègre un système d’intempéries artificiels en cas de feu ! Mais c’est au final la solution d’une grande charpente en lamellé-collé qui l’emporte, dont la réalisation est assurée en trois mois par le scénographe Claude Perset et la coopérative des Artisans et Ouvriers Réunis (il existe une photo que j’aime beaucoup, où Barrault est devant le chantier, les doigts croisées, comme les poutres de la charpente à l’arrière-plan). L’inauguration du théâtre d’Orsay a lieu en mars 74 : il est doté d’une salle démontable de 905 places à plan elliptique et scène dite intégrée, composée de manière tripartite, ce qui permet de gagner en latitude de jeu et de compenser l’absence de profondeur ; une partie des gradins est d’autre part amovible ; un Petit Orsay de 180 places ; un grand foyer habillé d’anciens décors, notamment les toiles de Félix Labisse pour Occupe-toi d’Amélie et celles de Max Ernst pour Judith ; et des galeries tout autour pouvant recevoir des expositions. Il s’agit, pour reprendre les mots de Barrault, d’un « prototype », une « corbeille humaine », un « grenier d’acteurs », qui font penser notamment à son ancien projet pour le Palais de Glace, au Théâtre des Funambules des Enfants du Paradis, ou encore au grenier des origines aux Grands-Augustins[xvi]. La cohabitation avec la gare demande certes quelques ajustements, notamment de négocier avec le chef de gare que les trains circulent côté quais de Seine pendant les heures de jeu[xvii]. Mais le lieu obtient rapidement du succès, comme en témoigne Madeleine Renaud, citée par Barrault dans Saisir le présent : « Nous avons ouvert un espace scénique et un foyer fabriqués par nous-mêmes avec des moyens artisanaux, avec une troupe de camarades techniciens et ouvriers, et, au bout d’un mois, tout le monde connaissait le chemin d’Orsay. Une réussite morale. C’est très rare »[xviii].  La compagnie s’y investi pour six saisons, de 1974 à 1980, jusqu’à la décision fatale de faire d’Orsay le musée que nous connaissons aujourd’hui. Les rendez-vous de Renaud et Barrault avec Valéry Giscard d’Estaing à propos de cette décision sont un échec. La recherche d’un autre lieu est donc, une fois encore, inéluctable.   La greffe au Rond-Point Lorsque le Ministère de la Culture propose en contrepartie à Barrault de déménager vers Bercy, ce dernier se défend bec et ongles :  « […] je vous arrête tout de suite […]. Si vous nous mettez à Bercy, comme mon théâtre est démontable, je le démonte, je le porte place de la Concorde, et je le brûle à votre santé »[xix]. De fait, il a une cartouche en réserve depuis plusieurs décennies, le fameux Palais de Glace, qui pourrait accueillir le théâtre d’Orsay moyennant une incroyable opération de démontage et remontage, d’ailleurs autant architecturale que financière, que seul un esprit d’entrepreneur de théâtres comme le sien, peut imaginer : « Il n’a pas fallu modifier le chapiteau pour entrer dans cette enceinte. C’était exactement ce qu’il fallait, et je le savais. Je me rappelais très bien : le Palais de Glace a trente mètres de diamètre et le théâtre d’Orsay a vingt-six mètres de diamètre »[xx]. Pour Barrault, le rapport de « magnétisme humain », notion cruciale, y est jouable, la distance critique au-delà de laquelle il ne reste plus qu’une image de théâtre, n’est pas dépassée. De plus, la forme cylindrique du Palais de Glace s’inscrit dans la logique de chapiteau qu’il valorise depuis l’expérience du cirque Fanni[xxi]. Des travaux d’adaptations suivent donc, assez inédits dans leurs genres puisqu’il s’agit ni plus ni moins d’une greffe architecturale, celle de ce théâtre à « cinq millions »[xxii], sous la direction des architectes André Biro et Jean-Jacques Fernier, et toujours Claude Perset. Le Théâtre du Rond-Point est finalement inauguré en mars 1981, avec les caractéristiques suivantes : L’entrée principale est retournée du côté de l’avenue Franklin Roosevelt. L’intérieur quant à lui, est composé de deux salles dont les jauges sont quasiment similaires au Théâtre d’Orsay : 936 places pour la grande salle, qui reprend la forme de scène en éperon ; et 190 places pour la petite salle gradinée au sous-sol, ancêtre de la salle Tardieu où nous nous trouvons. La compagnie Renaud-Barrault travaillera en ce lieu jusqu’en 1991. A l’heure de l’hommage à Barrault, quasiment trente ans après son installation au Rond-Point, et de ces discours prononcés, si je puis dire, sous la charpente, il est difficile de ne pas songer, au-delà des aspects historiques que j’ai pu évoquer, à ce qu’il peut rester d’un passage tel que le sien. Il est clair que Barrault, dans la succession et l’invention de ses théâtres, a largement dépassé le seul domaine théâtral, et a su faire de l’architecture, par la force de sa volonté, un prolongement de son « théâtre total ». Dans cette histoire singulière, les figures du cercle et du chapiteau ont joué le rôle principal, une sorte de leçon de vie ; l’une des scènes-clés à ce propos est celle où Barrault, en tournée en Allemagne, retourne un matin sur le lieu où se trouvait son chapiteau la veille, pour voir ce qu’il reste de son passage. Il y observe juste, dans une vision touchante, « quelques traces d’oiseaux et la magie dérisoire d’un cercle »[xxiii]. Nous sommes réunis ici dans l’un de ses autres cercles, qui a continué à vivre sa vie, comme au fond Barrault l’appelait de ses vœux en créant ce lieu, puisqu’il espérait laisser avec Madeleine, je cite, « un théâtre vivant et un lieu vivant pour Paris, qui sera au rond-point de Paris »[xxiv]. Je ne crois pas que ses successeurs, Chérif Khaznadar, Marcel Maréchal, Philippe Buquet, et Jean-Michel Ribes, qui ont continué à faire vivre et évoluer le Rond-Point chacun à leur manière, n’aient démenti cette impulsion. Les théâtres de Barrault continueront donc à vivre, l’histoire de leur invention et réinvention restera une source d’inspiration, en particulier pour nous, architectes et scénographes : ses lieux théâtraux n’étaient pas des coquilles vides pour abriter le jeu et faire résonner des textes, mais bien des cercles vivants. On peut aussi penser et je finirai par cela, aux théâtres que Barrault n’a pas pu faire, et qu’il aurait pu imaginer dans tel ou tel endroit. Il se refusait par exemple de concevoir une représentation dans l’immense Palais du CNIT à la Défense, car il aurait fallu, disait-il, se téléphoner, et avoir des vélos[xxv]. Mais il n’est pas certain qu’une telle représentation fut impossible et inintéressante, car comme le suggérait François Nourissier dans un article au lendemain de la disparition de Barrault : « De n’importe quel lieu du monde, il eût fait un théâtre »[xxvi].       [i] Jean-Louis Barrault, « Au Palais de Glace », in Saisir le présent, Robert Laffont, Paris, 1984, p. 150. [ii] Denis Guénoun, Karine Le Bail (dir.), Jean-Louis Barrault. Une vie sur scène. Entretiens inédits avec Guy Dumur, Flammarion, Paris, 2010. [iii] Barrault, « Histoire d’un rond », in Comme je le pense, Gallimard, Paris, 1975, p. 169-171 ; voir aussi Barrault, « Au Palais de Glace », op. cit., p. 151. [iv] Barrault, « Histoire d’un rond », op. cit., p. 169. [v] Ibid., p. 171. [vi] Ibid. [vii] Voir à ce sujet Barrault, « Du "théâtre total" et de Christophe Colomb », in Nouvelles réflexions sur le théâtre, Flammarion, Paris, 1959, p. 265-276. [viii] Paul-Louis Mignon, Jean-Louis Barrault. Le théâtre total, Editions du Rocher, Monaco, 1999, p. 306. [ix] Barrault, « Sous le chapiteau », in Saisir le présent, op. cit., p. 121 et Barrault, « La vie sous chapiteau », in Comme je le pense, op. cit., p. 176. [x] Ibid. [xi] Barrault, « Sous le chapiteau », op. cit., p. 122 et Barrault, « La vie sous chapiteau », op. cit., p. 179. [xii] Barrault sur le théâtre d’Orsay, dans Samedi soir, émission de télévision du 25 mai 1974, archive INA. [xiii] Barrault, « En gare d’Orsay », in Saisir le présent, op. cit., p. 128. [xiv] Ibid., p. 129. [xv] Ibid. [xvi] Parfois Barrault comparait apparemment son théâtre à un navire, et aussi à son « os ». [xvii] Barrault sur le théâtre d’Orsay, dans Samedi soir, op. cit. ; et aussi Barrault, « Souhaits pour la gare d’Orsay », in Comme je le pense, op. cit., p. 190. [xviii] Barrault, « Au Palais de Glace », op. cit., p. 152-153. [xix] Ibid., p. 150. [xx] Ibid., p. 152. [xxi] Barrault, « Sous le chapiteau », op. cit., p. 123 : « D’ailleurs, cette vie sous chapiteau a été très importante pour nous, et pour la suite des événements. Si on observe la construction du théâtre d’Orsay, ou la construction du théâtre du Rond-Point, on voit qu’il y a tout de même une espèce de chapiteau ». [xxii] Guénoun, Le Bail, op. cit., p. 206. [xxiii] Barrault, « La vie sous chapiteau », op. cit., p. 179. [xxiv] Barrault sur le Théâtre du Rond-Point, émission de télévision Pleins feux, 6 mars 1981, archive INA. [xxv] Barrault, « Au Palais de Glace », op. cit., p. 152. [xxvi] François Nourissier, Le Figaro, 24 janvier 1994, hommage à Jean-Louis Barrault. Cité dans Guénoun, Le Bail, op. cit., p. 21.

Le 18 septembre 2012 à 09:02

Pierrick Sorin

"C'est plus fort que moi"

Ses installations sont présentées dans le monde entier de São Paulo à Moscou, en passant par Madrid ou Séoul, ainsi que dans les hauts lieux de l'art contemporain. Son spectacle 22h13 interprété par Nicolas Sansier est de retour au Rond-Point. Ce Méliès de la vidéo nous dit la place du rire dans ses productions."Je produis toujours des choses drôles ou, du moins, qui tendent à l'être. C'est plus fort que moi. Comme si une peur sous-jacente devait impérativement être maintenue à distance par le rire. La peur du vide, sans doute. Enfant, je me suis accroché à l'humour et plus encore en mon adolescence, quand la complexité du monde m'a semblé vaguement vertigineuse. Ma première « œuvre » un peu « sérieuse » fut un roman poème où le désespoir métaphysique et la révolte s'exprimaient à coups d'images surréalisantes et de jeux de mots plus ou moins subtils. Le récit s'achevait sur l'expression d'une tentation ultime : s'absenter du monde, ne plus désirer : « Je-néant-vide-rien ».Je pense, aujourd'hui, que le recours au rire repose peut-être sur des motivations moins romantiques. Humour et autodérision me servent à éviter d'être involontairement ridicule et à esquiver toute prise de position que les « autres » pourraient condamner. Résistance au vide, à la fragilité ou au désaveu."Pierrick Sorin, artiste vidéoArticle édité dans le catalogue Le Rire de résistance, BeauxArts éditions et Théâtre du Rond-Point

Le 5 septembre 2011 à 09:33

"René l'énervé", facétie musicale et opéra tumultueux

Entretien avec Jean-Michel Ribes #2

"Depuis 2007, j'éprouve un malaise qui ne diminue pas" dit Jean-Michel Ribes en parlant de notre gouvernement. Pour en finir avec cette nausée, il a décidé de la transformer en farce joyeuse : un opéra bouffe mis en musique par Reinhardt Wagner, qui débute le 7 septembre prochain au Théâtre du Rond-Point. Un éclat de rire de résistance "face à l'affaissement du langage, au dénigrement de l'esprit, à cette agitation immobile dont la médiocrité nous étouffe". René l’énervé est une pièce politique ? Quelle pièce ne l’est pas ! C’est une banalité de dire qu’il n’y a pas d’art sans subversion, ni de théâtre sans désir de chambardement. René, dans ce sens, est bien une pièce politique. C’est la réponse du berger à la bergère ! Puisque les politiques font du spectacle, il est bien normal que les hommes de spectacle fassent de la politique… Reconnaissez que depuis quelque temps, ils n’y vont pas de main morte ! Ils méritaient bien René l’énervé ! C’est un minimum !   Le poétique peut-être une voie de rédemption pour la politique ? René l’énervé n’est en rien une oeuvre documentaire, ni une tentative de reproduction exacte de notre actualité, c’est une bouffonnerie coloriée librement avec bonne et mauvaise foi, un conte sur le pouvoir et les clowneries de l’homme qui devient providentiel. Une sorte de ras-le-bol en chansons… Fable en rien manichéenne, puisqu’on y découvrira le double de René : deuxième lui-même, adversaire obstiné et résolu du premier.   Propos recueillis par Pierre Notte

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