Jean-Michel Ribes
Publié le 01/08/2012

Août est un mois de gauche


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A l'instar de la bêtise de Cambrai, du chou de Bruxellesou de la pipe de saint-Claude, le mois d'août est un mois local. Durant la période de l'été, qui se situe entre juillet et septembre, telle la tache noire sur le pelage du léopard, le mois d'août ne recouvre pas l'intégralié du territoire français. Mois fragile et capricieux, qui appelle la métaphore pour le décrire, comme on vient de le voir, août a besoin pour s'implanter de bords de mer, de piscines, de garrigues, de terrains de camping, de palaces sur la Croisette et, certaines années, de maisons de retraite. Sans ces lieux propices à faire s'épanouir son don pour faire monter la température jusqu'à des sommets caniculaires, août se dissout dans des orages et des pluies qui le réduisent en un tiède mois de septembre.

Même si, pour des raisons dues à sa nature de mois plutôt méridional, août s'installe souvent dans quelques fiefs provençaux du Front national, il ne fait aucun doute qu'il est un mois de gauche. Ce n'est pas un hasard si, en 1789, l'Assemblée constituante a choisi sa nuit du 4 pour abolir les privilèges et son après-midi du 26 pour adopter la Déclaration des droits de l'homme. Pas un hasard non plus que le Front populaire l'ait choisi pour que les Français lui consacrent leurs congés payés.

 

Extrait de Mois par moi : almanach invérifiable © Actes Sud 2008

http://www.actes-sud.fr/catalogue/theatre-arts-du-spectacle/mois-par-moi

Auteur dramatique, metteur en scène et cinéaste, Jean-Michel Ribes dirige le Théâtre du Rond-Point depuis 2002. Il écrit et met en scène une vingtaine de pièces, dont Les Fraises musclées (1970), Tout contre un petit bois (1976), Théâtre sans animaux (2001, recréation en 2012), Musée Haut, Musée Bas (2004) et René l'énervé – opéra bouffe et tumultueux (2011)

Récemment, il signe plusieurs mises en scène : Batailles (2008) co-écrit avec Roland Topor, Un garçon impossible (2009) de Petter S.Rosenlund, Les Diablogues (2009) de Roland Dubillard, Les Nouvelles Brèves de Comptoir (2010), adapté du recueil de Jean-Marie Gourio et L'Origine du monde (2013) de Sébastien Thiéry.

Il écrit et réalise des téléfilms, des séries cultes comme Merci Bernard (1982 à 1984) et Palace (à partir de 1988) ainsi que des films, Musée Haut, Musée Bas (2008) et Brèves de comptoir (2013) qu'il adapte avec Jean-Marie Gourio à partir de son oeuvre éponyme.

Parmi ses derniers ouvrages, citons Le Rire de résistance (2007, Tome I De Diogène à Charlie Hebdo - 2010, Tome II De Plaute à Reiser), un catalogue-manifeste d'insolence, de drôlerie et de liberté. En 2013, il publie chez Points dans la collection Le goût des mots dirigée par Philippe Delerm, Les mots que j'aime et quelques autres.

 

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Le 3 avril 2012 à 09:41

Avril est un mois fourbe

Soudain avril est là. Sans s'annoncer, sans prévenir personne, à l'étonnement de tous, il débarque dans le calendrier. Profitant de l'ébouriffement joyeux de nos sens et de nos rêveries amoureuses dû à un printemps naissant, il nous arrive par derrière en traître, assassine mars et nous accroche aussitôt un poisson dans le dos. Pas une hirondelle, une rose trémière ou un quatrain de Ronsard, non, un poisson ! Animal visqueux, froid, à l'oeil torve et à la conversation réduite. La chose est dite : avril est un mois fourbe, lâche, pervers, n'ayant que peu de considération pour l'être humain, sinon, au lieu de cet animal à écailles et souvent pas frais, il lui aurait pendu autour du cou et non dans le dos une créature de rêve avec laquelle il aurait épanché la vivacité libidinale dont la sève printanière l'a pourvu à cette époque de l'année.   Mais avril n'en a cure, chevauchant son taureau zodiacal qui chasse le bélier de mars. Il gronde, grêle, pleut et vente, souriant parfois d'un rayon de soleil hypocrite qui fait croire au jardinier que sa courgette va grandir, son aubépine blanchir et la jeune postière se vêtir d'un chemisier léger qui, lorsqu'elle se penchera pour lui faire signer un recommandé, laissera s'épanouir sa merveilleuse poitrine par-dessus la cotonnade. Mais non, avril, l'odieux avril, à peine a-t-il laissé poindre un morceau de soleil qu'il l'éteint d'un nuage, glaçant le paysage et enveloppant le buste de la préposée de lainages opaques.   Extrait de Mois par moi : almanach invérifiable © Actes Sud 2008 http://www.actes-sud.fr/catalogue/theatre-arts-du-spectacle/mois-par-moi

Le 5 mars 2018 à 15:24

Eric Vuillard en conversation avec Pierre Assouline

Carte blanche à Actes sud

Prix Goncourt 2017 pour son récit L’Ordre du jour, Éric Vuillard s’entretient avec Pierre Assouline de l’Académie Goncourt. Son souffle formidable nous fouette à chaque livre, et nous restitue des peuples en éveil, que ce soit par la révolte ou dans la défaite. Avec Éric Vuillard, le récit du passé vient révéler nos servitudes volontaires, l’oubli que nous avons d’être un peuple à notre tour. Dans L’Ordre du jour, il décape la légende que nous nous faisons de l’Allemagne nazie : on y voit habituellement une armée rapide, moderne, dont le triomphe paraît inexorable. Mais si au fondement de ses premiers exploits se découvraient plutôt des marchandages, de vulgaires combinaisons d’intérêts ? Et si les glorieuses images de la Wehrmacht entrant triomphalement en Autriche dissimulaient un immense embouteillage de panzers ? Une simple panne ! Qu’aurait pu Hitler sans les lâchetés et les compromissions d’alors ? Ne nous font-elles pas penser aux lâchetés et compromissions d’aujourd’hui ? La rencontre sera suivie d’une séance de signatures à la librairie du Rond-Point / Actes Sud. Éric Vuillard est écrivain et cinéaste. Il a notamment réalisé L’homme qui marche et Mateo Falcone. Il est l’auteur de plusieurs récits tous récompensés par de prestigieux prix littéraires dont le prix Joseph-Kessel 2015 pour Tristesse de la terre et le prix Alexandre Viallate pour 14 juillet. Son dernier récit, L’Ordre du jour, a reçu le prix Goncourt 2017. Son œuvre est publiée par Actes Sud.  Pierre Assouline est journaliste, chroniqueur de radio, romancier et biographe, ancien responsable du magazine Lire, membre du comité de rédaction de la revue L’Histoire, et membre de l’Académie Goncourt depuis 2012.  Conférence programmée par Jean-Daniel Magnin pour le cycle "Nos disques sont rayés #2"Enregistré le 10 février 2018 salle Roland Topor du Théâtre du Rond-Point Captation et montage Léo Scalco et Sarah-Mei ChanDurée : 01:40:19  

Le 23 décembre 2010 à 12:00

Viktor Orbán plus rapide que "Poutluscozy"

Carte postale de Hongrie

Comment devenir Poutine en son pays quand aucun pétrole ne coule en Hongrie ? Comment régner tel un Berlusconi radieux sur l'ensemble des médias nationaux, Internet compris ? Légiférer dix fois plus vite que l'hyperprésident français ? Lancer la plus grande chasse aux sorcières depuis la chute du Mur et caser ses lieutenants à tous les étages du système ? Après son élection raz de marée en avril dernier, Viktor Orbán va si vite qu'il a laissé tout le monde sur le carreau : opposition, opinion publique, presse, chancelleries, Bruxelles... En huit petits mois seulement, le nouveau Premier ministre est en passe de devenir un autocrate exerçant un pouvoir absolu sur la Hongrie — en toute légalité. Fort de son emprise sur le Parlement à Budapest (sa machine de guerre, le Fidesz, y tient deux tiers des sièges), il a pu modifier à répétition la Constitution, pomper dans le gisement des retraites privées, faire placarder son credo nationaliste dans tous les établissements publics du pays, distribuer des passeports aux minorités hongroises des pays voisins, savonner le pouvoir de la Haute cour de justice, nommer un champion d'escrime à la présidence de la République et, par exemple, un ancien Hell's Angel des "Motard Goy" à la tête de Radio Petöfi, la meilleure station musicale du pays.Sur Radio Kossuth, le France Inter magyar, un journaliste a eu le courage de faire une minute de silence à l'antenne après avoir annoncé la création d'une Autorité nationale des médias et des communications (NMHH) contrôlée majoritairement par le Fidesz d'Orbán : tous les médias, publics comme privés, devront corriger des informations jugées erronées par la NMHH, sous peine de très lourdes amendes «pour manque d’objectivité politique». Depuis son acte héroïque, on n'entend plus guère le brave homme sur les ondes de Radio Kossuth, il doit être en train de songer à une reconversion radicale.Maigres protestations : plusieurs journaux sont parus mardi dernier avec une première page vide – mais la manifestation qui a suivi n'a rassemblé que 1500 personnes. Les Hongrois sont fatigués de la politique, et Viktor en profite pour courir sur d'autres dossiers. Par exemple l'éviction du metteur en scène Robert Alföldi de la direction du Théâtre National, après qu'un parti d'extrême droite ouvertement anti-rom et anti-juif a réclamé sa tête parce qu'il était "une pédale, un pervers, un Juif indigne du théâtre national" (> pétition internationale de soutien).Ah oui, encore une chose : la Hongrie prend la présidence tournante de l'UE au 1er janvier. Viktor sera au centre de la photo. Bonne et heureuse année en Europe !

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