Jean-Daniel Magnin
Publié le 20/08/2013

Summerhall, centre d'art éléphantesque


Carte postale d'Edimbourg

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Depuis plus d'un siècle, les étudiants y ont disséqué éléphants, chimpanzés, vaches et canards. Et lorsque l'école vétérinaire d'Edimbourg s'est transportée dans un édifice plus moderne, on s'attendait que l'immense bâtisse de briques et de verre devienne une arcade commerciale chic, avec boutiques et restaurants... Eh bien non, le lieu restera une école vétérinaire, a annoncé Robert McDowell, après l'avoir payé cash au nez et à la barbe des promoteurs immobiliers.

Et en effet Summerhal est restée une école vétérinaire. Mais pour artistes. La métamorphose s'est achevée cet été, lors du dernier festival d'Edimbourg : dans les 500 salles que compte ce centre d'art à nul autre pareil, vous trouverez une douzaine de galeries, des scènes pour les concerts, une dizaine d'espaces réservés au théâtre, une bibliothèque, plusieurs collections d'art contemporain, un nombre infini de lieux de lecture, de rencontres, de projections ou d'ateliers d'artistes, une revue d'art, des restaurants bien sûr... et bientôt une crèche.

Partout dans l'infini rhizome de couloirs, escaliers en colimaçon, salles de cours conservées jalousement dans leur état premier, des artistes s'installent et expérimentent les joies de l'interdisciplinarité chère à McDowell. Mais sans toucher aux squelettes d'animaux ou aux planches anatomiques préservés de ci de là dans l'ancienne école. "Si c'était un projet culturel du gouvernement, ils l'auraient habillé comme ils imaginent qu'une galerie se doit d'être. Nous voulons conserver le caractère de cet endroit. Ça reste une école vétérinaire."

A la fois consultant financer, artiste et ancien assistant de Joseph Beuys, l'espiègle Robert McDowell est bien décidé à s'amuser en grand et réinvente la figure du mécène en soutenant la marge plutôt que les arts officiels. Afin de contrer l'hégémonie du stand up omniprésent durant le Festival d'Edimbourg, son équipe invite une kyrielle de performers européens parmi les plus déjantés à venir s'exprimer dans leur propre langue. A mi chemin entre off et le in, prolongeant toute l'année l'esprit du festival dans la capitale écossaise, Summerhall a choisi aussi de faire le contraire quant à sa communication : "Notre stratégie est de ne rien dire sur ce que nous faisons. Nous voulons que les gens le découvrent par eux-même, se sentent privilégiés de le connaître..."

Bref, ne cherchez pas plus loin : c'est à Summerhall qu'il faut se rendre en ce moment !

> voir aussi http://www.summerhall.tv/

Mes rêves : ouvrir à 17 ans le Boui-Boui, café d’art à Genève ; filer à Berlin ; étudier la philo à Paris ; créer des spectacles « hors théâtre » aux festivals de Nancy, Polverriggi ou Avignon ; ouvrir Mac Guffin, cabinet de scénaristes ; voir vivre mes pièces de théâtre à la Renaissance, dans le In d’Avignon, à la Bastille, au Vieux Colombier avec la Comédie-Française, et à l’étranger. Et ce rêve de rassembler les écrivains de théâtre en 2000 ; et d’écrire avec Jean-Michel Ribes le projet du Rond-Point ; et là, de mettre ventscontraires.net sur la piste d’envol.

Dernière publication, un roman : Le Jeu continue après ta mort

 

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Le 19 octobre 2015 à 10:03

Le saut de Malmö

J'ai longtemps voulu réaliser le saut parfait. J'avais en permanence dans la tête la liste toujours changeante des nombreux paramètres à prendre en compte, depuis mes début en athlétisme à l'âge de sept ans. Et je n'ai cessé d'accumuler de nouvelles exigences, imposées par mes entraîneurs successifs ou découvertes de mon propre chef, qui ont malheureusement repoussé pour moi les conditions d'exécution du saut parfait. À Malmö, un mardi d'août en meeting, il avait plu comme il pleut à de rares occasion en Suède l'été, par lourdes gouttelettes. J'avais presque abdiqué. Emmitouflé avec un air pathétique dans mon K-way de l'équipe de Belgique, j'attendais mon tour de passage et je ne me faisais guère d'illusions sur mes chances de passer en finale, dans les huit premiers ; je suis et j'ai été un sauteur international d'ordre moyen. Ce qui, de mon point de vue, ne signifie rien mais me classe, par comparaison avec les Cubains, les Ukrainiens, les Américains, dans la moitié basse du tableau. Je crois bien que si les autres n'existaient pas, je pourrais me sentir un sauteur d'exception aussi bien qu'un athlète minable. Parce que au cœur des sensations qui picotent mon épiderme, mes muscles, mes nerfs jusqu'à la moelle et au fondement de mon cerveau, au moment du saut, je n'ai jamais perçu la médiocrité intrinsèque de mes performances. D'autres jours, je me dis bien volontiers que même si j'étais sur cette planète le seul être vivant à pratiquer cette discipline, j'apparaîtrais sans doute encore comme un sauteur de milieu de classement. La piètre qualité de mon saut doit être inscrite dans sa préparation, son développement et l'éternelle insatisfaction qui en découle une fois les deux pieds dans le sable. Pour tout dire, ça ne va jamais comme ça devrait aller lorsque je dessine le saut dans ma tête. Je suppose, sans pouvoir le deviner autrement que du coin de l'oeil au début d'une compétition ou par plaisanteries interposées dans les vestiaires que d'autres – qui remportent les concours – sautent parfois aussi loin que leur esprit a d'abord pu les porter par la pensée. Ce n'est pas mon cas. Je sais avec précision le saut que je devrais accomplir juste avant de le réaliser. Je connais d'instinct le poids, la charge de chaque foulée. Me revient systématiquement en mémoire la courbe régulière de leur accélération, le point d'appui, le balancement des deux bras, l'élévation après une planche parfaite, et la chute maîtrisée qui – accompagnant les lois de la pesanteur en ma faveur – me laissera choir comme la dernière note d'une mélodie à peine plus courte qu'un chant d'oiseau. Pourtant, peu avant que mon corps ne s'élance et n'interprète la partition, quelque chose, oh, un petit détail, pas grand-chose, puis un autre, et un troisième, me rappellent à une réalité branlante dans laquelle mes gestes n'atteignent jamais l'harmonie que j'appelais de mes vœux. Parfois c'est le vent. Souvent c'est le vêtement. Il me gratte. Le pli n'est pas bien disposé sur le téton de droite. Je préférerais sauter nu, sans dossard. Car le dossard, mal épinglé par des stadiers incompétents et bornés, pend. Et il claque. Vos doigts n'ont alors de cesse de s'assurer avec fébrilité de son positionnement. Sans compter le ventre qui digère encore ou la sueur entre les orteils. Aucun produit, je le jure, aucune marque de chaussures ne compense ce type de désagrément, comme une poussée d'acné au moment de faire l'amour avec une beauté. Je murmure pour moi-même : « Je ne le sens pas, c'est pas le moment. » Et c'est toujours là qu'il faut faire les choses, évidemment. Pour un saut parfait, il faudrait des conditions moins parfaites que neutres. Du dehors, quelque chose pointe toujours – en creux ou en plein – jusqu'à moi. C'est ce qui entame ma concentration, l'augmente, la diminue, je ne sais pas, mais la trouble en tout cas. Je fais mon deuil, à cet instant, du saut définitif et je le repousse à la prochaine fois. En attendant, j'ai recours à quelques gestes mécaniques acquis à la longue, qui ne courent plus après la représentation mentale que je me fais de l'enchaînement du saut parfait. Ils permettent à mes muscles de reproduire la dynamique minimale et banale dont ils sont capables, dans l'urgence et des circonstances contraires. J'aimerais sauter sans vent, sans air ni dossard, dans le vide, sauter sans ventre, la gorge ni trop sèche ni trop humide, le sexe bien disposé, au millimètre près, au milieu de mes cuisses, sans aucune asymétrie des couilles, les ongles coupés et le cuir chevelu qui ne gratte plus. Là, je le sais depuis l'enfance, je réussirais. À Malmö, ce mardi d'août, à la fin de l'été déjà, il avait plu comme jamais, le côté droit de ma chevelure dispersée me démangeait frénétiquement et le nouveau short de mon sponsor de l'époque frottait sans régularité mon testicule droit. J'avais grande envie, en ce jour pluvieux d'été, de me raser les cuisses. La peau de mes joues – piquetée d'une chair de poule inégale, rasée dans la précipitation, avant de prendre le car jusqu'au stade – chauffait avec insistance. J'avais fait le deuil, une fois de plus, du meilleur saut. J'étais parti sans y penser, en comptant les deux premières foulées seulement, le dossier au quart décroché. Je ne me souviens plus du saut en lui-même et lorsque je regarde la cassette VHS de la télévision suédoise, je ne vois rien sinon les marques, l'élan, le rythme et les appuis d'un saut comme les autres. Les meilleurs en réalisent sans forcer plusieurs de cette trempe dans l'année – pas moi. Huit mètres zéro trois. Je me rappelle m'être relevé en me léchant la lèvre supérieure, tout en me battant les fesses des deux mains. Je déteste sentir le sable mouillé sur mon cul. Mon entraîneur, Franckie, était debout. Mon record personnel. C'était il y a cinq ans tout juste, maintenant. Huit mètres zéro trois, c'était un bond excellent, qui me plaçait en quatrième position, même si je n'y avais certainement pas mis toute mon âme. Quand je pensais au saut parfait que je ferais, je l'imaginais d'abord comme s'il pouvait justifier mon existence dans sa totalité, ses souffrances aussi bien que ses joies, son temps perdu, regagné sur quelques mètres de distance rognée à l'horloge de tant de sacrifices, d'entraînements, d'heures de déplacements, de mauvaises nuits et de matinées vides.Je l'imaginais aussi comme une petite peinture, un tableau, une symphonie qui exprimerait mes amours, mes parents, mon enfance, mon meilleur ami, la cabane de bois du voisin, la planche de chêne qui m'était tombée sur la tête, la soupe, les orties, l'heure de cours de biologie du mardi, Charlène, le métro, le parking, l'oreiller jaune, la télé et tout le reste. J'imaginais le saut comme un geste qui laisserait ressurgir aux yeux du monde ce qui, année après année, s'était enfoui en moi. Mais je ne suis pas un peintre, un saut, ça ne représente rien. À moins qu'il ne soit parfait. Aujourd'hui, lorsque je me retourne, je sais que je n'ai jamais fait mieux de ma vie qu'un mardi d'été qui touchait à sa fin, à Malmö sous la pluie. Et dans le meilleur saut de ma carrière déclinante, je ne trouve rien de moi. Est-ce qu'il était vide ? Ou rempli d'une pensée à jamais prisonnière ? Durant la première moitié de sa carrière, on court après le saut parfait ; durant la seconde, on s'aperçoit peu à peu qu'on a déjà sauté le plus loin qu'on pouvait. On court alors en désespoir de cause après ce saut déjà hors d'atteinte. À présent, à chaque meeting d'importance, avant de passer, je tends fébrilement mon vieux slip sur ma couille droite, en quête de l'angle exact. Je me gratte avec précaution la moitié gauche du crâne, à la recherche de cette pellicule si particulière à un centimètre du sommet et je détache un quart de mon dossard. Je me coupe toujours au rasoir, avant de prendre le car en retard. Je regarde les poils sur mes cuisses. Je cherche le souffle de travers. Et, le nez en l'air, j'attends la pluie d'août. Je ne pense plus du tout à mon enfance ; je sais bien qu'elle ne réapparaîtra pas dans un saut, quel qu'il soit. C'est con. Je voudrais juste atteindre huit mètres zéro trois une seconde fois. C'est tout ce que je demande, oh, mon Dieu, rien de mieux. Je me fiche du saut parfait ; c'est une idée bonne à occuper votre jeunesse. Je reveux celui de Malmö. Je l'ai gaspillé, je le sais ; je n'y ai même pas réfléchi, je ne l'ai pas senti venir lorsque j'ai posé le pied sur la planche. C'était le meilleur saut de ma vie et il est passé à la manière d'un moment ordinaire. Je saute aujourd'hui en attendant la pluie qui n'est ni de juillet ni de septembre, ni d'Oslo ni d'Helsinki. J'y pense à chaque fois, à chaque pas, chaque foulée, en l'air et le cul dans le sable. Déjà, je me dis : c'était ça ! Profite, profite, profite. Et quand je lève les yeux, je trouve Franckie, mon entraîneur, assis. Je suis loin, très loin. Un homme coiffé d'une casquette ratisse derrière moi le bac, il efface mes traces, aplanit le champ pour le prochain et me fait signe avec impatience d'évacuer la zone d'arrivée. Je donnerais sans hésiter la possibilité d'un record du monde et d'une médaille olympique dans deux ans, si Dieu me le proposait, pour sauter une seconde fois à huit mètres zéro trois, un mardi d'août à Malmö. Mais en sachant ce coup-ci, au moment même où mon pied gauche décolle de la planche d'appel, que ce saut marquera pour mon existence un sommet depuis lequel, à huit mètres zéro trois, je pourrais une demie-seconde durant contempler toute ma vie. D'en bas, j'aperçois bien où et quand j'ai culminé ; mais à Malmö, cet été-là, je crois qu'une fois en l'air j'ai fermé les yeux – et je m'en veux. Extrait de En l'absence de classement final, Gallimard (2012) © Éditions GallimardTous les droits d'auteur de cette oeuvre sont réservés. Sauf autorisation, toute utilisation de celle-ci autre que la consultation individuelle et privée est interdite.

Le 28 septembre 2014 à 09:19

Ghislain l'effaceur

Portraits crachés #9

Quand il sera grand, Ghislain veut être Batman. Mais ça fait rire tout le monde car il est taillé comme un haricot vert. Puis Ghislain grandit et, donnant raison aux rieurs, il ne devient pas Batman. Mais il parvient à devenir redresseur de torts. Au petit matin, quand la cloche finit de sonner, Ghislain, allongé dans la trousse, attend son heure. Souvent, c'est long mais, concentré, il est prêt à bondir à tout moment. Quand on l'interroge sur son métier, Ghislain se compare à un gardien de but : il faut réagir en un clin d'oeil car il est le dernier rempart avant la catastrophe. Et aussi il arbore une magnifique tenue à rayures torsadées ; il est beau comme un sucre d'orge. Ça y est, l'erreur est là, on l'appelle ! Comme un prédateur, il saute sur la faute et, de sa pointe blanche, la dissout et l'absorbe en un clin d'oeil. Puis il se retourne avec agilité et, sortant sa pointe bleue, corrige sans discussion. Puis il retourne dans la trousse et reprend son affût. La journée se passe ainsi, dans une attente ponctuée d'interventions de la dernière chance. La tension ne retombe qu'à la nuit tombée. Alors il repose. Pourtant, une chose taraude Ghislain : il sait qu'il n'est pas éternel ; quand il sera sec, il mourra. C'est son destin de s'effacer devant son successeur, quand la performance ne sera plus au rendez-vous. Mais il sait que le maintien de l'ordre est un sacrifice. Tout ça lui trotte dans la tête tandis qu'il regarde le bellâtre à l'origine de toutes ces erreurs enlever le bas, évacuer sa cartouche usagée et s'en fourrer une nouvelle dans le croupion. Et après on dit que le stylo-plume, c'est classe.

Le 7 décembre 2012 à 08:41

Sperme de mammouth congelé

Histoires d'os 36

Professeur de zoologie à l'université de Kagoshima, Kazufumi Goto caresse un grand rêve un peu fou : celui de ressusciter le mammouth, ce géant poilu de l'ère glaciaire.   L'idée est assez simple. Pour ne pas dire assez simpliste. Et du point de vue technique, elle peut se comparer à une procréation assistée. Il suffit d'aller dénicher dans le permafrost de Sibérie quelque bel étalon congelé, de prélever gentiment un échantillon de son sperme et d'en féconder in vitro des ovules d'éléphante. Dame nature fera le reste, si elle veut bien se montrer un tantinet coopérative et dans une bonne vingtaine de mois, les caméras du monde entier filmeront la naissance d'un adorable mammouphanteau qui fera la fierté et la gloire de son géniteur japonais.   Du point de vue génétique, le projet semble réalistes. Mammouths et éléphants sont des cousins germains d'Afrique et de Sibérie et partagent un ancêtreéteint depuis cinq millions d'années. Ils sont donc aussi proches que la jument peut l'être de l'âne ou la tigresse du lion. Et le professeur Goto n'a t-il pas réussi, il y a quelques années, de féconder une vache vivante avec du sperme de taureau mort ?   Mais déjà des esprits goguenards ricanent. Ils proclament avec suffisance qu'au terme de plus de 10 000 ans, il semble exclu de retrouver de la semence de mammouth en bon état de conservation. Il paraîtrait que le permafrost soit un médiocre congélateur comparé à l'azote liquide de nos laboratoires. Mais qu'en pense l'éventuel papa, lui qui se gèle les testicules en attendant de se reproduire ?

Le 21 septembre 2015 à 08:04

Le futur fait-il encore rêver ?

Le Professeur Pascal répond à vos questions

NON. Le futur faisait encore rêver il y a peu, quand on apprenait à le conjuguer à l'école ; c'était facile, il suffisait de prendre l'infinitif du verbe et d'ajouter les bonnes terminaisons, un peu comme on accroche des petits wagons à une locomotive. Et puis, en grandissant, on s'est rendu compte que le futur outrepassait largement ce qu'on avait appris dans les livres de grammaire où tout se tient sur le bout de la langue. On a commencé à déchanter aussi. Autrefois, on disait : « Quand je serai grand, je serai vétérinaire. » Aujourd'hui, on dit plutôt : « Quand je serai vieux, je ne serai peut-être plus serveur au MacDo. » De même, le futur qu'on nous promettait enfant semble avoir sacrément merdé quelque part. Tandis que la moitié du monde s'échine à trouver le meilleur régime minceur, l'autre moitié se sent si légère qu'elle n'a même plus la force de hurler dans le désert. Et le désert gagne du terrain chaque jour, si bien que les ours polaires ne savent plus comment s'habiller. Enfin, s'il y a un métier qui ne connaît pas de pénurie, c'est bien celui de VRP en Kalachnikovs et autres instruments de musique à balles sifflantes. Qu'on soit dans le Donbass, en Syrie ou au Yémen, on trouve toujours un VRP disponible pour vendre sa camelote payable en carte Visa, laquelle commence comme le mot « viseur ». Mais si la guerre vous indispose et si vous craignez même de mourir un jour (oui oui, ça arrive), tournez-vous vers les transhumanistes. Eux, au moins, ils n'ont pas peur du futur. A leurs yeux, l'Homme est fait pour être amélioré, augmenté, dépassé, à condition évidemment de disposer d'un compte en banque bien garni. Si c'est le cas, vous ferez peut-être un jour partie de ces happy few dont on aura transféré le cerveau sur un ordinateur. Eh oui, vous continuerez de vivre après votre mort physique, un peu comme Jésus quand il est monté au ciel, à ceci près que, l'ordinateur étant branché, vous ne serez pas à l'abri quand même d'une petite panne de courant, poil aux dents.

Le 15 septembre 2014 à 08:04

L'amour en kit

À propos de "Ma mère et les autres", l'exposition de Pippo Delbono à la Maison Rouge

     Trois pièces, comme trois moments ou périodes de la vie du metteur en scène Pippo Delbono : le réfectoire, la chambre noire et le dédale blanc. Derrière ces espaces, comme en surimpression : l'asile, la chambre mortuaire et la scène.      Ma mère et les autres montre spatialement un virage, un U-turn comme dit la langue pragmatique des anglo-saxons. L'allure de l'exposition, entre le chantier et le bloc opératoire, est là pour ne pas encombrer la parole de son concepteur, pour justement exiger de nous d'en devenir les témoins attentifs. C'est l'exposition d'un homme qui voyage léger mais qui voyage des choses lourdes.      Les fines bâches de plastique y font à la fois office de cloisons et d'écrans. Les images de sa mère agonisante tournées au portable, comme plus tard celles insouciantes et joyeuses de Bobò punaisées au mur, insistent sur leur caractère profondément « pauvre », nécessaire et à portée de main. Une mallette posée à la fin dans l'une des salles, ouverte comme ultime symbole de cette exposition.      Les paroles étouffées de la mère se fondent lentement dans les cris d'enfants, ou de « grand-père » se demande le metteur en scène, et qui sont ceux de Bobò. Un plan de fin chaplinesque les réunit bras dessus bras dessous. Une phrase de St-Augustin citée plus tôt par sa mère résonne d'un tout autre sens : « Je ne t'ai pas abandonné, je t'ai seulement précédé ». Ma mère et les autres, c'est cette tentative d'un homme de 55 ans d'avoir voulu devenir mère à son tour. >Texte en intégralité sur http://mamereetlesautres.com/

Le 5 septembre 2014 à 09:50
Le 3 février 2011 à 08:00

Gary for ever

"On a envie de changer le monde, pour enfin l'envoyer se faire foutre."

Excellente nouvelle : l’exposition que le Musée des Lettres et Manuscrits de Paris consacre à Romain Gary est prolongée jusqu’au 3 avril 2011. Elle propose de redécouvrir le parcours de cet auteur d’exception à travers une sélection émouvante de ses manuscrits, cahiers toilés ou feuilles libres recouvertes de la même écriture puissante et ronde. On croit le connaître, mais au fond qui est Roman né Kacew, devenu Romain Gary (Gary signifie « Brûle ! » en russe) puis Emile Ajar (« Ajar », c’est la braise) ? On le sait écrivain prolixe qui a ravi ses lecteurs, trompé les critiques, génial mystificateur aux deux prix Goncourt (pour Les racines du ciel et La vie devant soi). Amoureux des femmes aussi, mais surtout amoureux de la vie au point de décider de la quitter d’un coup, avant qu’elle ne le quitte à petit feu. Gary l’aviateur, le diplomate, l’auteur, le réalisateur, le fils de sa mère, Gary l’inclassable qu’on a tenté, sale défaut de chez nous, en vain d'étiqueter. Il aimait à dire, se comparant au caméléon qui, placé au centre d’un tissu écossais, devient fou, qu’il n’était pas, lui, devenu fou. Il était devenu écrivain. A son sujet, beaucoup se souviennent de cette phrase élégante et digne qui clôt son manuscrit confession Vie et mort d’Emile Ajar : « Je me suis bien amusé. Au revoir et merci. » Pour ma part, je garde comme un talisman cette autre, qui me résume mon Gary à moi, du moins tel que je l’imagine, cet humaniste insolent dont on ne peut toujours pas, à se demander à quoi sont payés les éditeurs, trouver les œuvres complètes publiées décemment : « On a envie de changer le monde, pour enfin l’envoyer se faire foutre. »Pour en savoir davantage : museedeslettres.fr

Le 19 septembre 2011 à 08:38
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